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Interview

Marco Tardelli : «Si le football est plus physique, le talent reste l’élément essentiel»

Héros italien de la finale de la Coupe du monde 1982, Marco Tardelli revient sur l’évolution du foot ces quarante dernières années.
par Eric Jozsef, Rome, de notre correspondant
publié le 12 juin 2016 à 20h31

Avant la main de Maradona ou le coup de tête de Zidane, il y eut, en 1982, le hurlement de Marco Tardelli, après son but libérateur contre l'Allemagne en finale de la Coupe du monde. Sept secondes de transe absolue qui figurent encore parmi les instants iconiques du foot dans la mémoire des tifosi d'Italie ou de Navarre. Après avoir tout remporté entre 1975 et 1985 avec la Juventus, Marco Tardelli a été entraîneur de la sélection italienne des moins de 21 ans, de l'équipe d'Egypte, de l'Inter Milan puis l'adjoint de Giovanni Trapattoni quand celui-ci était le sélectionneur de l'équipe nationale d'Irlande. De cette expérience, il a tiré une autobiographie Tutto o niente (Mondadori, non traduite) écrite avec sa fille et qui vient de paraître. Alors que l'Italie débute ce lundi le tournoi face à la Belgique, Tardelli, 61 ans, dresse un bilan de l'évolution du foot.

Est-ce toujours le même sport ?

Sur le terrain de jeu, oui, hormis quelques modifications. Mais tout le reste a changé : médias, business et même propriété des clubs. En Italie, la seule équipe qui ait conservé le même propriétaire, c’est la Juventus de Turin.

Mais est-ce que le jeu et la préparation des équipes ont changé ?

Les entraînements sont différents. Ils ont évolué. En 1978, lors du Mondial en Argentine, nous nous amusions à voir les entraînements de l’équipe de France parce qu’ils étaient différents des nôtres, plus modernes, plus tranquilles, plus créatifs. Par exemple, ils faisaient des matchs en marchant, sans courir. Cela nous impressionnait parce qu’à l’arrêt, ils jouaient très bien. Aujourd’hui, les entraînements sont encore meilleurs. D’ailleurs, la durée d’activité des joueurs est plus longue. Mais globalement, on ne peut pas dire que c’est sur le plan de l’entraînement que tout a été bouleversé dans le football, c’est le contour qui l’a été.

Le jeu apparaît tout de même plus rapide et plus physique…

Le jeu est sans doute plus physique, mais dans le même temps il y a moins de contacts avec l’adversaire. Autrefois, le football était plus dur. Certains tacles que j’ai effectués lors de mon premier match contre Maradona, en 1978, me vaudraient un carton jaune aujourd’hui. Autrefois, on jouait le marquage individuel. Désormais, on joue en zone. Quand j’étais chargé de m’occuper de Platini, je ne le lâchais pas d’une semelle, c’était du marquage à la culotte. L’autre différence, c’est évidemment la préparation des rencontres. On étudie beaucoup plus les schémas de jeu et les mouvements des adversaires. Déjà à l’époque, la tactique était importante, mais on n’avait pas les mêmes moyens d’observer les autres équipes. Il arrivait même que l’on descende sur le terrain sans avoir d’informations sur nos adversaires. Aujourd’hui, les vidéos circulent, et chaque mouvement est décortiqué.

Est-ce à dire que les équipes se ressemblent et qu’il n’y a plus de style de jeu national ?

On a longtemps dit que le style à l’italienne, c’était le jeu en défense et la contre-attaque. Mais déjà en 1978 et 1982, ce n’était plus vrai. Aujourd’hui, ce qui existe ce sont des systèmes de jeu, les fameux 5-3-2, 4-4-2, 4-3-3 et tant d’autres manières. Mais sur le terrain, la qualité des joueurs fait toujours la différence. Même la part importante prise par les qualités physiques n’empêche pas un joueur comme Messi de s’imposer. Le talent des joueurs reste l’élément essentiel. Beckenbauer, Platini, Rivera, Mazzola, Ronaldo ou Messi, ce sont eux qui changent la physionomie d’une équipe. Ensuite, il faut trouver un équilibre autour d’eux. Mais sans joueurs de qualité, tu ne gagnes pas.

Vous allez jusqu’à dire que le football est gangrené…

Il suffit de voir ce qu’il se passe à la Fifa et dans différents clubs. Aujourd’hui, le foot est sans morale. Il n’y a que le business et basta.

C’est ce qui explique la baisse de niveau du football italien au niveau international ?

Le championnat italien est devenu comme le championnat français. D’un côté, il n’y a que le PSG, de l’autre il n’y a que la Juventus. Il y a un manque d’argent, mais surtout de projets et de joueurs. Derrière les Turinois, les autres équipes ne sont plus au niveau. Quant à la Squadra Azzurra, c’est normal qu’elle s’en ressente. Surtout qu’il y a de plus en plus de joueurs étrangers dans le calcio, et ce ne sont pas les meilleurs. Il ne faut pas s’étonner des effets sur le rendement de l’équipe nationale.

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