Depuis trois ans, il y a tout une hype autour de la sélection belge. Boostée par son quart de finale lors de la dernière Coupe du monde, performante durant les éliminatoires de l’Euro 2016 (23 points pris sur 30 possibles), elle a même pris la tête du classement Fifa en novembre dernier. Pour la première fois de son histoire, la Belgique domine la hiérarchie sans avoir remporté le moindre trophée international (l’Argentine a repris le trône depuis). La force des Diables Rouges ? Un vivier offensif faramineux. Au total, huit joueurs portés vers l’attaque dans la liste de Marc Wilmots (le sélectionneur) pour l’Euro 2016, dont Eden Hazard (Chelsea), Kevin De Bruyne (Manchester City), Romelu Lukaku (Everton) ou encore Michy Batshuayi (Olympique de Marseille). Juste avant Belgique-Italie, on a abordé, avec deux experts belges, Stéphane Pauwels, ancien recruteur, et Manuel Jous, journaliste sportif à la RTBF, la force de frappe de nos voisins.
Profils multiples. Vu de France, ça a l'air plutôt culotté d'appeler huit attaquants et seulement quatre milieux de terrain dans une liste, d'autant plus quand on voit celle des Bleus, bien plus prudente. En Belgique, la décision de Wilmots a semblé on ne peut plus logique : «La liste a une connotation assez offensive, mais a été bien perçue par les médias belges, car c'est là que résident nos forces. Il faut jouer avec ses atouts et pouvoir varier selon l'adversaire», concède Manuel Jous. Il faut dire que dans les 23 Belges, les forces sont multiples et les aptitudes variées. Benteke et Lukaku (45 buts en deux saisons avec Everton) pèseront dans le jeu aérien. De Bruyne, Hazard ou encore Mertens feront valoir leur vivacité et leur habileté dans les petits espaces. Batshuayi, son jeu dos au but. Carrasco et Origi profiteront des espaces pour faire parler leur rapidité. Vu comme ça…
Concurrence. Empiler autant de joueurs talentueux, reconnus et convoités, reste difficile à gérer pour un entraîneur. Chacun pourrait être tenté de tirer la couverture à lui. Mais Pauwels l'affirme, les attaquants belges ont un bon état d'esprit : «Ce ne sont pas des merdeux, pas d'ego surdimensionnés. Ils sont tous simples. Des mecs très "belges", qui viennent presque tous d'un milieu social moyen, intelligents. Ce ne sont pas des petites frappes. On entend jamais d'élucubrations sur un joueur belge en boîte de nuit.» Un apaisement rendu possible par les choix tranchés du sélectionneur aux postes avancés, comme l'explique Manuel Jous : «Lukaku, Hazard et De Bruyne sont incontestables. La hiérarchie est établie. Personne dans le groupe ne peut dire "je dois jouer à la place de Hazard ou De Bruyne".»
Attention à l'enflammade. Le potentiel offensif de la Belgique est avéré et sa place d'outsider de cet Euro incontestable. Pour grossir le trait, en étant à 100%, trois de ses quatre artificiers (Hazard, De Bruyne, Lukaku) auraient leur place dans la plupart des sélections nationales. Pour autant, avoir des ambitions démesurées n'est pas obligatoire. Pauwels précise : «On ne joue pas une équipe de ploucs. Tout le monde dit "Les Italiens ne sont pas prêts". Il ne faut pas les sous-estimer. En Belgique, on pense qu'on va gagner facilement. J'ai l'impression qu'on se voit trop beaux.»
L'ex-recruteur y va même de son petit tacle : «On s'est toujours foutu de la gueule des Français, en disant : "Ils ont le gros cou, ils sont chauvins". Depuis que je suis garçon, j'entends ça. J'ai dit : "On est en train d'attraper le syndrome des Français d'avant". Maintenant, les Français font preuve d'humilité, il y a eu les graves problèmes en Afrique du Sud [Knysna, ndlr]. Mais nous, on s'enflamme. Pourquoi ? Parce qu'il y a moins de médias. En Wallonie, il n'y a que deux gros journaux [la Dernière Heure et Sud Presse, ndlr]. Ils doivent vendre leur canard et ils y vont "On va gagner l'Euro!". Sauf qu'ils viennent de prendre deux secousses contre la Finlande (1-1) et la Norvège (3-2)». Preuve qu'une ligne offensive impressionnante n'est pas toujours suffisante. Surtout dans une compétition internationale.
Déséquilibre attaque-défense. Wilmots est confronté à une pelletée de forfaits dans son secteur défensif (Kompany, Engels, Boyata et Lombaerts). Mis à part Courtois (le gardien de Chelsea), Alderweireld et Vertonghen (Tottenham), aucune garantie que l'arrière-garde des Rouges tienne bon. Aussi valeureux soit-il, le latéral droit de l'Impact Montréal Laurent Ciman reste un joueur limité. Et le cas de Vermaelen est très compliqué, puisqu'il est quasiment tout le temps à l'infirmerie ou sur le banc depuis son arrivée au FC Barcelone à l'été 2014.
D'autant plus que les récentes campagnes internationales ont démontré qu'une défense hermétique augmentait drastiquement les chances de succès. Lors de ses trois parcours victorieux (2008, 2010, 2012), l'Espagne a terminé la compétition avec le meilleur ratio défensif des nations qualifiées pour la phase à élimination directe. Même son de cloche pour l'Allemagne il y a deux ans. Et l'Italie en 2006. Dit autrement : depuis dix ans, et cinq tournois majeurs, l'équipe encaissant le moins de buts par match à partir des huitièmes rafle la mise. Stéphane Pauwels reconnaît l'importance de cette donnée : «J'ai une vision objective. La presse belge est convaincue qu'on va gagner l'Euro. On ne va pas gagner l'Euro, il faut être sérieux. Pour gagner un Euro, il faut une défense !»