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Libération
Suspense

France-Albanie : d’une courte tête

Pour leur deuxième match, les Bleus ont semblé perdus pendant 89 minutes. Griezmann puis Payet sauvant les meubles in extremis. Mais pas les apparences.
Dimitri Payet à la lutte avec l'Albanais Kukeli. (Photo AFP)
publié le 15 juin 2016 à 23h01

Mercredi matin, avant la victoire chiche (2-0) face à l’Albanie, la maison bleue était comme suit : une équipe tonique, portée sur l’emballement et la vitesse, fragile derrière, avec deux joueurs capables de la dimensionner différemment - Antoine Griezmann et Paul Pogba. Le premier sort d’une épuisante saison avec son club, l’Atlético Madrid, que le Français a porté à bout de bras jusqu’à une défaite en finale de la Ligue des champions. Le second se présente à 23 ans comme un futur ballon d’or, le landernau le voit comme l’arme absolue à court terme… mais ce court terme dure depuis deux ou trois saisons, ce qui laisse planer un doute : est-ce que l’avènement du grand milieu de la Juventus de Turin arrivera seulement un jour ?

Dragster et enfant-roi. Sur la foi du succès initial pénible face aux Roumains (2-1), le sélectionneur Didier Deschamps a ainsi renversé la table : Griezmann sur le banc et Pogba aussi, le but de la manœuvre étant aussi - amis de la tactique, bonjour - de passer à deux milieux défensifs axiaux pour apporter du renfort (Blaise Matuidi, plus bas) à un N'Golo Kanté devant jusqu'ici se débrouiller trop souvent seul à la récupération… tout en offrant une position offensive axiale à un Dimitri Payet qui la prend d'autorité quand il est aligné à gauche : impossible de laisser sur un couloir un joueur qui dézone autant, l'adversaire ayant vite fait de comprendre qu'il y a des surnombres à jouer là où Payet n'est pas. Payet dans l'axe, c'est du coup Anthony Martial à gauche. Griezmann sur le banc, c'est Kingsley Coman à droite, Coman et Martial (20 ans chacun) tenant à la fois du dragster et de l'enfant-roi puisqu'ils se sont fait une place respective à Manchester United et au Bayern Munich. Voilà pour le cadre, la géopolitique. Restait le match.

Et les Bleus se sont fendus d'une première mi-temps catastrophique. Les joueurs étaient perdus dans leurs placements et encore plus dans leurs déplacements, et on a vu le spectacle ahurissant d'un Coman se desséchant sur la droite sans le moindre ballon, partir n'importe où en faisant de grands gestes des bras pour mendier une passe, les autres étant trop occupés avec eux-mêmes - «Je me fous là ou je me mets là ? Et après, faut aller où ?» - pour voir son désespoir. Un type, et un seul, s'est alors tenu au milieu du désastre : le petit (1,69 m) Kanté, stable comme le code civil. 0-0 aux citrons.

Fatigues. Et qui voilà à la sortie des vestiaires ? Pogba, en majesté. Martial dehors, Payet est reparti à gauche et on a continué comme on a toujours fait - Deschamps a remis la table debout. Et rendu au talent ce qu'il lui devait : aucun coach ne peut aller contre ça et, dans la foulée, Griezmann fut réinstallé (63e) à la place de Coman. Ce ne fut pas Broadway pour autant - loin s'en fut - mais les Bleus s'en sont mieux portés, réinstallant une forme de domination territoriale contre une sélection albanaise commençant à ressentir les premières fatigues. Un petit coup de tête de Griezmann sur un centre de Rami (1-0, 90e) et c'est le coup de la Roumanie que les Bleus ont bissé : la qualification pour les huitièmes de finale est dans la poche. Avant que Payet ne double la mise au bout des cinq minutes d'arrêt de jeu. Les buts en fin de match prouvent sûrement que les Bleus ont quelque chose, du courage, de l'acharnement, de la fraîcheur physique. Arrivera un moment où il faudra plus.