Andrea Pirlo parti trottiner sur les terrains américains, la Juventus et l'Italie perdaient l'an dernier leur architecte. Ce qui aura permis à autre un maître à jouer de se révéler au poste inattendu de défenseur central, en la personne de Leonardo Bonucci, né en 1987. Sa propension à secréter l'opportunité par ses relances en fait l'un des défenseurs les plus complets d'Europe, une entreprise de recyclage à lui seul, sachant convertir les opérations adverses pulvérisées par ses comparses en un danger aussitôt propulsé à l'autre extrémité du terrain - c'est sa vision du jeu qui perfora ainsi les lignes belges sur le premier but. De là, la révérence de Pep Guardiola qui voit en lui «l'un de [ses] joueurs préférés de l'histoire».
S'il fut longtemps inconstant, son intelligence des espaces égale désormais son flegme dans l'action défensive, patiemment aiguisé sous la houlette d'Antonio Conte. Une manière de gourou dont il se vit comme «le soldat», alors même que son caractère hors terrain lui vaut une image publique moins maîtrisée ou unanime qu'il ne voudrait - d'aucuns, qui croient le connaître bien, le disent trop sincère, d'autres un peu idiot, les cyniques avanceront que c'est là la même chose. Le scepticisme suscité par son coûteux transfert à la Juve en 2010 n'apparaît qu'un menu écueil parmi tant d'autres renversés à la force d'une volonté d'airain que louent tous ses entraîneurs. Une puissance à la fois motrice et régulatrice de ses tremblements d'humeurs, endurcie d'abord d'un parcours sportif plusieurs fois miraculé - mauvais syndrome articulaire surmonté enfant ; débuts avortés à l'Inter Milan qui, faute d'avoir décelé son potentiel, le laissera filer -, puis, sculptée à la dure, depuis ses vingt ans, par le préparateur mental Alberto Ferrarini, pas peu fier de sa pédagogie : «Je l'enfermais dans une cave, l'insultais. S'il répondait, je lui assénais des coups de poing. Il s'agissait de surpasser les jugements négatifs et les sifflets.»
A Turin, en 2012, un type lui braqua un flingue sous le nez, alors qu'il sortait de chez un concessionnaire Ferrari avec femme et enfant, pour lui soutirer sa montre. Que l'on devine chère. Mais sans doute pas au point d'étayer seule la réaction de Bonucci, lequel aurait collé une droite à son agresseur avant de le courser tandis que celui-ci détalait à moto. Qui croira, à cet aune, que barrer la route d'Ibrahimovic samedi saurait l'inquiéter ? J.G.