Dans l'excellent Les Lauriers de César, Astérix et Obélix se font embaucher comme esclaves, dans une riche famille romaine. Jaloux des égards auxquels ils ont droit et pensant à tort qu'ils sont fragiles, un esclave plus rustique, Gardefrèjus, les surnomme «les bibelots». Il y a un peu de ça chez Cristiano Ronaldo. La star du Portugal est belle, grande et forte. Son pays n'imagine pas d'issue positive à cet Euro sans une fantastique performance de sa part. A ce titre, elle est traitée comme la huitième merveille du monde et on l'imagine bien un jour avoir sa statue à Bélem à côté de celle des grands explorateurs, regardant la mer, carte du monde dessinée sur un ballon.
Mais, dans le même temps, elle suscite parfois les moqueries des autres joueurs et nations par ses tendances individualistes et ses râleries d’enfants gâtés. Ses remarques après le nul contre l’Islande, 1-1 (en gros, c’est pas juste, ils ont fait que défendre, c’est une «petite mentalité») sont mal passées, tout comme son refus d’échanger son maillot à la fin du match. Ça a rappelé l’espace hors du temps commun dans lequel Ronaldo évolue, lui qui gagne plus en un an (88 millions de dollars en 2015) que tous les joueurs islandais dans leur vie.
Face à la bronca, son sélectionneur Fernando Santos a du monter au créneau pour le défendre. «Il a été provoqué», a-t-il dit. Genre. Le triple ballon d'or a eu le droit aussi à un moment de réconfort, une visite inopinée de son fils. Regardez, ce n'est qu'un homme avec des sentiments.
On s’est donc pointé au Parc des Princes, à Paris, pour voir un «bibelot» face à des Autrichiens, eux aussi au pied du mur après leur défaite contre la Hongrie (0-2). Et, en première période, on a vu deux mondes. D’un côté, l’intelligible: les joueurs portugais. Des tentatives de poser le jeu, de construire, malgré quelques erreurs techniques, et des bonnes occasions, notamment cette tête de Nani sur le poteau, à la 29e. De l’autre, le sensible: Cristiano Ronaldo. Seul le plus souvent, parfois à la peine. Les deux se sont rarement croisés.
A choisir, ses coéquipiers donnaient l’impression de chercher d’autres joueurs, comme si quelque chose s’était brisé, avec ce moment symbolique, à la 19e, où Carvalho pique un ballon de la tête à son capitaine. Lorsqu’ils le trouvaient, presque par hasard, l’attaquant croquait la feuille. On s’est dit à la mi-temps que s’il n’y avait pas un compromis de trouvé, les Autrichiens pourraient bien en profiter, malgré leurs limites. On parle tout de même d’une équipe qui fait jouer un latéral de métier, Alaba (23 ans et très doué), en 10, parce que c’est le seul qui a un peu de ballon.
La seconde période est à l'image de la première. Les Portugais multiplient les corners qui ne donnent rien et Ronaldo les occasions ratées et les coups francs foireux. Comme un grand, tout seul, il obtient pourtant un pénalty à la 78e mais réussit à frapper sur le poteau. Ça ne tient pas complètement du mauvais oeil. Ensuite, à la 85e, sur une combinaison pourtant travaillée à l'entraînement, Ronaldo est signalé hors-jeu dans la surface sur un centre de Moutinho. Son but de la tête est logiquement invalidé. Les supporteurs Autrichiens se moquent et scandent, «Messi, Messi».
Le match s’achève sur un 0-0 mélancolique. Le Portugal devra absolument gagner contre la Hongrie pour se qualifier, tout comme les Autrichiens contre les Islandais. Dans les deux cas, ce n’est pas gagné. Pour Ronaldo, malgré sa 128e cape de ce samedi soir, un record national, la statue attendra.