Samedi, le Portugal a fait match nul contre l’Autriche (0-0), quelques jours après celui concédé contre l’Islande (1-1). Deux points en deux rencontres face à des adversaires à sa portée, un jeu décevant - pas non plus horrible - et un but marqué sur 51 tirs. Réflexe naturel : se tourner vers Cristiano Ronaldo, l’attaquant aux statistiques de cyborg et se demander ce qu’il fout. Vingt tentatives en deux matchs - plus que neuf sélections réunies -, aucun but et même un penalty raté face aux Autrichiens.
Une certitude : plus sa période de disette va s’allonger, plus il va tenter, jusqu’à vous faire sévèrement gamberger sur le champ lexical de l’individualisme et de l’orgueil. Méchant casse-tête, notamment parce que ses coéquipiers contribuent malgré eux à alimenter le problème. Car quel que soit leur niveau, ils n’ont qu’un seul statut arrivés en sélection et ce depuis des années : faire briller leur superstar, même quand elle donne l’impression de tout foirer. Ils doivent alors l’aider encore et encore, bon gré mal gré, jusqu’à ce que ça marche. Et le regarder allumer de tous les endroits du terrain, à la moindre ouverture, parce qu’ils ne peuvent pas lui dire «mec, laisse-nous gérer en attendant que ça revienne». Si ça revient, ça ne peut être que grâce à lui, le triple Ballon d’or.
En parallèle du terrain, le mécanisme habituel : quand un grand joueur est en panne, trouver les statistiques pour expliquer sa mauvaise période et dans le cas de Ronaldo, celles qui démontrent qu’il n’a pas la même aura en sélection qu’en club. La stat qui tue, censée tout résumer : en compétition internationale, il a tiré 36 coups francs avec le Portugal. Aucun n’a fini dedans, mais il s’en moque puisqu’il continuera de prendre le ballon pour les frapper contre la Hongrie, mercredi. Blessé à la cuisse en avril (une déchirure), l’ancien médecin de la sélection portugaise avait prévenu : s’il ne se ménage pas, son pépin pourrait avoir raison de son Euro. Il ne s’est pas ménagé du tout, bien au contraire. Ça lui plaît d’être une machine.
Samedi, après la rencontre face à l'Autriche, Cristiano Ronaldo a repoussé la sécurité pour faire un selfie avec un supporteur qui s'était faufilé sur le terrain. Et il a assuré : «Physiquement, je me sens parfaitement bien.» Donc il assume, sachant que la définition du doute chez ce genre de footballeur est moins philosophique que pour le commun des sportifs. Ça veut juste dire «machine qui bugue de temps en temps». En 2010, l'attaquant du Real Madrid avait débarqué à la Coupe du monde précédé d'une sale stat : seize mois sans marquer en sélection. Il avait répondu comme un joueur de district dimanche matin : «Les buts, c'est comme le ketchup : quand ils arrivent, ils viennent tous en même temps.»