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Billet

Une cata, l'Euro ? Non, une vraie fête pour les supporteurs

A en croire l'AFP, les supporteurs passent leurs temps à se taper dessus et les matchs sont nuls. Dans les stades et les fan zones on croise pourtant des peuples qui chantent, dansent, boivent et découvrent les beautés de nos arrières pays.

Un fan anglais célèbre la victoire de son équipe contre le pays de Galles dans la fan zone de Lens, le 16 juin. (Photo Leon Neal. AFP)
Publié le 19/06/2016 à 15h22

«Broie du noir», «guérilla urbaine», «bilan amer», les mots ne sont pas tirés d’un éditocrate se piquant de football mais d’une dépêche AFP de ce week-end. A lire ce résumé les deux premières semaines de l’euro, c’est la catastrophe : les supporteurs passent leurs temps à se taper dessus et, en plus, les matchs sont nuls. De la part de l’agence de presse, ce n’est pas anodin. Elle est la voix officielle, censément objective, la parole neutre qui va se retrouver copiée-collée sur des dizaines de sites et de journaux. Si elle le dit, c’est que vraiment tout est foutu.

Mais si tout n'était pas si horrible ? Si, au contraire, on pouvait dresser un bilan positif (à part pour les pelouses, un scandale) ? Que voit-on, nous, pendant nos déplacements à travers la France pour assister aux matchs ? Des peuples qui chantent, qui dansent, qui boivent, qui sautent, qui rient ou même qui font l'otarie torse nu dans les flaques d'eau des rues de Lens, comme ce drôle d'Anglais. Des centaines de milliers de fans ont décidé de venir en France, en juin, voir du foot et aussi visiter nos territoires (qui ont des talents, comme le dit la publicité). A chaque fois, on se sent obligé, gêné, de leur demander s'ils n'ont pas peur de la menace terroriste. «Pas du tout. Si on y pense, on ne sort plus de chez soi. Et c'est tellement joli ici», s'entend-on répondre systématiquement. Pour un après-midi désastreux à Marseille, combien de journées parfaites, combien de sourires et de selfies avec des forces de l'ordre, combien de vidéos de communion entre adversaires? Qui aurait pu penser, qu'un jour, un Islande-Hongrie remplirait le stade Vélodrome dans une atmosphère incroyable ? On se souvient, au Brésil, en 2014, de l'ambiance parfois un peu trop policée dans les enceintes sportives, les travées étant peuplées de locaux aisés peu adeptes de la claque. L'Euro, cette année, avec les défauts (des violences potentielles) et les immenses avantages que cela entraîne, est une vraie compétition de supporteurs.

Parce qu’il y a des nations qui n’ont pas l’habitude d’être à ce niveau et qui veulent vraiment en profiter (sacrés Islandais, Irlandais, Gallois, Hongrois, etc.). Parce que même lorsqu’on n’a pas de billets, c’est peut-être plus simple et tentant d’un point de vue touristique de venir en France qu’en Pologne-Ukraine en 2012 ou Suisse-Autriche en 2008. Si certains se contentent de faire l’aller-retour en low-cost entre deux rencontres, beaucoup d’étrangers profitent des jours de pause pour aller se balader dans nos beaux arrière-pays. Réjouissons-nous.

Certes, sur le plan du jeu, malgré un joli Italie-Belgique, et du suspense en fin de match pour la France ou l’Angleterre, ce n’est pas encore formidable. On le sait bien, on était hier soir au Parc des Princes pour Portugal-Autriche (0-0) et on se dirige vers Toulouse pour Galles-Russie. C’était prévisible. Difficile d’avoir la même intensité en poules à 24 que pour une compétition à 16. Se plaindre, dresser un bilan déjà négatif, c’est oublier le grand nombre de rencontres à venir et la hausse du niveau de jeu attendue à partir des huitièmes. Dans le fond, cet Euro, c’est un peu comme avec le geste de Pogba. On peut y voir une sarabande ou un bras d’honneur. On choisit la sarabande.