«Cherchez le Russe», m'avait dit mon chef avant de m'envoyer à Toulouse. Un équivalent pour cet Euro 2016 du «cherchez la femme, pardieu ! Cherchez la femme !» d'Alexandre Dumas. Autrement dit : s'il y a un problème, l'origine sera à trouver du côté des supporteurs de la Sbornaya. Pour cette rencontre classée à hauts risques, on a plus parlé de l'enjeu sécuritaire que du sportif, avec 2 100 policiers et gendarmes mobilisés et un centre-ville aux terrasses fermées. Dommage, car le temps estival était propice au molotov (le cocktail vodka-bière-sirop de grenadine), attablé au soleil.
Si dans les rues on a bien vu des déguisements amusants, une pieuvre, un dragon rouge ou un car de journalistes russes distribuant des goodies pour améliorer l'image de leur pays ou de nombreux selfies entre les deux peuples pour sceller une amitié naissante, point de violences. Au moins jusqu'à notre entrée dans le stade. Même si Alexandre Chpryguine, le sulfureux président de la Fédération des supporters de foot panrusse, a affiché sur Twitter fièrement sa présence au Stadium. Il avait pourtant été gentiment mais fermement raccompagné à la frontière la semaine dernière et a été placé en garde de vue au début du match. Dans l'enceinte sportive, un important cordon de stadiers encadrait les fans potentiellement les plus virulents.
Absent sur le pré. Sur le terrain, on a cherché les Russes aussi, et on ne les a pas trouvés. La première période est à sens unique pour les Gallois. Dès l'entame du match, le milieu Joe Allen remonte le terrain, trouve Bale qui tente une frappe. Le gardien russe, Akinfeev, la renvoie sur Vokes qui se loupe. C'est le troisième attaquant aligné en trois matchs aux côtés de la star du Real Madrid par le sélectionneur, Chris Coleman, qui cherche la bonne formule.
Ce n'est que partie remise. A la dixième, Allen, décidément excellent, récupère la gonfle et la glisse dans un trou de souris à Ramsey, à la limite du hors-jeu. Le joueur d'Arsenal trompe le gardien d'une petite balle piquée. A la 20e, rebelote. La passe contrée de Bale par un Russe trouve le latéral Taylor qui doit s'y reprendre à deux fois pour tromper le portier de la Sbornaya.
A 2-0, c'est plié. Les dragons rouges gallois, qui valent bien ce lundi soir ceux de Daenerys dans Game of Thrones, ont l'air tellement heureux sur le terrain et sereins, cela fait plaisir à voir. Les deux Joe, Allen et Ledley, et Aaron Ramsey sont impériaux. Bale ne se lasse pas de remonter la balle à pleine vitesse. Les milieux russes sont systématiquement aux abonnés absents. Ils ont dû partir à la plage à Sotchi, on ne voit pas d'autres explications. Les supporteurs russes ne pipent plus mot tandis que les Britanniques entonnent de sonores «don't take me home».
Ramsey, c'est oui. La deuxième période est du même acabit. Les Gallois continuent de dominer et Bale ses longues chevauchées, parfois un peu trop individualiste. Après plusieurs échecs, il arrive à marquer tout de même grâce à une merveille de passe de Ramsey, le meilleur joueur de la rencontre. A 3-0, ça ré-Galles. C'est l'humiliation pour des Russes apathiques. A l'image de leur match, seul aux six mètres, Dzyuba la met au-dessus à la 84e, une des rares occasions des blancs et bleus.
Pour leur première participation à un Euro, le pays de Galles termine premier de son groupe (le B) avec six points, une formidable performance. Ils sont suivis de l’Angleterre, 5 points, qui n’a pu se défaire (0-0) de la Slovaquie, troisième avec 4 points et qui peut espérer aussi se qualifier. La Russie est bonne dernière et aura raté sa compétition sur toute la ligne. Tandis que les Gallois restent longuement à chanter dans le stade, les Russes quittent l’enceinte dans le calme. En espérant qu’ils ne tentent pas un match retour dans les rues de Toulouse, dans la nuit de lundi à mardi.