Plus petit pays à se qualifier pour la phase finale d'une grande compétition, l'Islande a débarqué à l'Euro avec le statut de novice et de minus. 330 000 habitants, soit moins que Nice. Environ 100 professionnels, soit un quart d'entre eux présent en France. Pour le moment, ça donne 2 points en deux nuls, avec un public tellement cool qu'il ferait oublier les hooligans. Ce mercredi, si l'Islande se qualifie pour les 8es de finale en cas de bon résultat face à l'Autriche, ce ne sera qu'une demi-suprise.
Rébellion. L'Europe a compris qu'il se passait quelque chose avec l'Islande lors des éliminatoires du Mondial 2014 quand elle parvint à se hisser en barrages, à deux matches du Mondial, après avoir eu la peau du voisin norvégien en phase de poules. La Croatie sera plus forte (0-0, 2-0). Partie remise. Lors des éliminatoires de l'Euro 2016, l'Islande se paie la République tchèque, la Turquie et deux fois les Pays-Bas. Elle termine 2e de son groupe. Du coup, quand ses joueurs parlent de leurs ambitions pour l'Euro, ils ne se débinent pas : les 8es, voire mieux.
Révolution. L'Islande a longtemps été un sparring-partner en éliminatoires. A Rue89, un agent islandais racontait : «Avant, on aimait le mauvais temps car tout ce que l'Islande pouvait espérer était un 0-0. C'était la fête quand on obtenait un corner.» Au début des années 2000, le pays décide d'investir dans le football. Dans la formation des entraîneurs, qui se retrouvent pour la plupart diplômés de l'UEFA. Dans les infrastructures, parce que la météo compliquée ne laissait que quelques semaines d'entraînement par an aux joueurs sur une pelouse convenable. Les autorités ont pris en charge la construction de miniterrains près des écoles (une centaine), de stades couverts (11 aujourd'hui contre un seul en 2002) et de terrains extérieurs chauffés - on dénombre près d'une trentaine de pelouses synthétiques autour de Reykjavik. Les habitudes des joueurs locaux ont changé : jadis obligés de composer avec des terrains en sable ou en gravier, ils ont pu travailler et progresser sur une surface artificielle. L'Islande compte environ 20 000 licenciés. Sur les 23 joueurs à l'Euro, un seul local. La plupart évoluent en Scandinavie et le meilleur, Gylfi Sigurdsson, joue à Swansea, en Angleterre.
Employés du mois. Lars Lagerbäck, 67 ans, a entraîné la Suède de 2000 à 2009, avant un petit exil au Nigéria. Une dégaine de pharmacien, avec une devise : «Je dis souvent que les bonnes équipes sont faciles à analyser mais difficiles à jouer.» Dans les faits, ça se traduit par une équipe dont les joueurs évoluent comme des employés du mois : un minimum de conneries, un gros bloc et des contre-attaques bien menées.
Eidur. Eidur Gudjohnsen, 37 ans, a tout connu avec l'Islande depuis 1996. Ces années où sa sélection ne battait que des paradis fiscaux comme le Liechtenstein ou Andorre. La solitude, parce que pendant l'essentiel de sa carrière internationale, il a été l'Islande à lui tout seul. Le voilà à l'Euro. Remplaçant en sélection, Gudjohnsen est un attaquant de soutien malin et polyvalent, qui n'a pas été si loin des meilleurs à son poste. Remarquable à Chelsea (78 buts de 2000 à 2006), il a été joker de luxe à Barcelone (19 buts de 2006 à 2009), avant de se résoudre à une carrière de mercenaire (Monaco, Belgique, Chine et désormais Norvège) et donc à la rouille. Meilleur buteur de l'histoire de sa sélection (26 buts), son record est en sursis. Car désormais, l'Islande a une équipe.