C'est officiel depuis ce lundi : le Paris-SG s'est séparé de son entraîneur, Laurent Blanc, préalable à l'arrivée probable du coach du FC Séville, Unai Emery, qui a remporté les trois dernières Ligues Europa. Le club parisien évoque dans son communiqué «un climat serein» pour cette séparation, avec la «signature d'un protocole d'accord qui préserve les intérêts» de chacun. Rien sur la contrepartie financière d'une résiliation de contrat qui le liait au PSG jusqu'en juin 2018, évaluée par l'Equipe la semaine passée à une indemnité de 22 millions d'euros.
Petit bilan des années Laurent Blanc, qui aura passé trois saisons sur le banc parisien.
Des réussites : des trophées et du jeu
Razzia de titres en France. Onze trophées glanés sur douze possibles. Depuis l'arrivée de Laurent Blanc en juillet 2013, les Parisiens ont remporté la quasi-totalité des compétitions nationales. Sur la scène hexagonale, seule la Coupe de France 2014 (élimination dès les seizièmes face à Montpellier) a résisté au Cévenol. Les détracteurs de l'entraîneur francilien argueront une certaine logique, compte tenu des moyens colossaux et de l'effectif XXL du club parisien. Les plus mesurés pousseront le curseur en mode «n'importe quel coach aurait eu les mêmes résultats avec une telle équipe». Mais les faits sont là. L'ancien sélectionneur de l'équipe de France (2010-2012) a permis au club de la capitale de devenir le plus récompensé de France devant l'Olympique de Marseille, avec trente titres.
Philosophie de jeu affirmée. Laurent Blanc ne s'en est jamais caché. Il adhère totalement aux préceptes de jeu du FC Barcelone de Pep Guardiola. Jusqu'à en copier les composantes. Le PSG version Blanc joue court et au sol. Dès son arrivée, il instaure le 4-3-3 et tranche avec le 4-3-2-1 (ou 4-2-2-2) de son prédécesseur, Carlo Ancelotti. La possession de balle devient rapidement le credo de la formation parisienne. Un changement radical si l'on se réfère aux attaques rapides imposées par l'Italien. La patte du «Président» est indéniable : les latéraux (et Matuidi) se projettent fréquemment, Ibrahimovic participe à l'élaboration du jeu, le trident du milieu régule l'activité de l'équipe. La prime à l'offensive est visible jusque dans les chiffres. Le PSG conclut le dernier exercice avec 102 buts inscrits et une différence de buts inégalée dans l'histoire du championnat (+83).
Des records à la pelle. Champion de France dès la 30e journée, plus grand nombre de victoires sur une saison de Ligue 1 (30), 96 points remportés en un exercice, une avance sur Lyon, le second, jamais vue (+31)… Sous la houlette du technicien parisien, le cru 2015-2016 du Paris-Saint-Germain est exceptionnel en matière de stats. Globalement, en trois saisons portant le sceau de Laurent Blanc, Paris peut se targuer d'avoir accompagné ses trophées d'un bilan comptable relativement flatteur.
Des bémols : une gestion tactique et humaine contestée
Rigidité tactique. Problème de taille : Laurent Blanc n'a aucune variante tactique. Le 4-3-3, encore et toujours. En trois ans, qu'importe l'adversaire, l'ex-joueur de l'équipe de France aux 97 sélections a constamment dégainé son dispositif favori. A une exception près. Le 12 avril dernier, face à Manchester City. Sans doute pris de panique après le résultat défavorable du match aller (2-2), et menacé par un couperet qui risquait de tomber en cas de quatrième échec consécutif en quarts de Ligue des champions, l'entraîneur parisien concocte un invraisemblable 3-5-2 jamais utilisé. Il n'y aura pas de bonne surprise : dans un des systèmes les plus exigeants tactiquement, les joueurs sont perdus, sans automatisme. Le fiasco est total. Le PSG s'incline 1 à 0 et quitte la Ligue des champions. Laurent Blanc aura eu le mérite de tenter quelque chose. Mais surtout la naïveté de croire qu'à ce stade, une improvisation de la sorte peut porter ses fruits.
Une gestion de groupe contestée. L'ancien défenseur central manque de psychologie avec plusieurs de ses joueurs. Les concernés en attestent. Grégory van der Wiel, parti en fin de contrat, en mai dernier à Eurosport : «On ne communiquait pas vraiment. Même pas du tout. Je suppose qu'il n'aime pas parler aux joueurs. Il ne m'a jamais expliqué pourquoi j'étais devenu le 2e ou le 3e latéral dans son esprit.» Quelques jours plus tôt, le portier italien Salvatore Sirigu, numéro 2 depuis le recrutement de Kevin Trapp l'été dernier, à l'Equipe : «Ce qui m'a énervé, c'est que l'on ne m'ait jamais mis dans les conditions réelles de concurrence avec Kevin Trapp. Et cela m'a déçu. Le problème, ce n'est même pas que je ne jouais pas, c'est que je n'étais pas pris en considération.» Ces déclarations révèlent un management jugé parfois injuste ou inapproprié du coach francilien. Le football moderne demande aux entraîneurs une certaine pédagogie. Quel message Laurent Blanc envoie-t-il à Marquinhos, jeune défenseur convoité par les plus grands clubs européens, en lui préférant son compatriote David Luiz, loin d'être indiscutable ? Est-ce la bonne solution de s'entêter avec Cavani à gauche ? Pourquoi ne pas l'associer durablement à Ibrahimovic en pointe, avec Pastore à la baguette ? Ce dispositif en 4-3-1-2 suppose une innovation tactique. Utilisée très (trop) rarement. On en revient à cet immobilisme, cette idée arrêtée du football de Laurent Blanc.
Un recrutement aléatoire. On ne parlera ici que des choix de l'entraîneur parisien sur le marché des transferts. Janvier 2014, Laurent Blanc orchestre le recrutement de Yohan Cabaye, alors capitaine de Newcastle. A six mois de la Coupe du monde, le milieu de terrain français prend le risque de rejoindre Paris, où il n'est pas du tout assuré d'être titulaire. Un an et demi plus tard, l'ancien Lillois quitte le club de la capitale par la petite porte, sans avoir influé sur le jeu parisien en 29 apparitions. Crystal Palace le recrute 14 millions d'euros. Aucun retour sur investissement pour le PSG, qui avait déboursé 25 millions. Echec pour Blanc, qui doit trouver un remplaçant à Cabaye dans ce rôle de milieu de terrain de complément.
Juillet 2015, le Cévenol milite pour l'arrivée de Benjamin Stambouli. Le board s'exécute, et dépense 9 millions pour le joueur de Tottenham. Le résultat est le même. L'ancien Montpelliérain connaît une saison insipide, et ne parvient pas à bousculer la hiérarchie dans l'entre-jeu.
Finalement, un seul joueur ciblé et voulu par Laurent Blanc est parvenu à lui rendre cette confiance sur le terrain. Prêté avec option d’achat par Toulouse à l’été 2014, Serge Aurier vit une première saison compliquée. Le latéral droit ivoirien se montre bien plus convaincant par la suite. L’an passé, il est injouable durant six mois. Jusqu’à cette sortie sur Periscope, où il égratigne la réputation de l’instigateur de sa venue au PSG. Une récidive pour celui qui avait écopé en mars 2015 de trois matchs de suspension en Ligue des champions pour avoir insulté un arbitre dans une vidéo.
Le cas Aurier est particulier. Son bilan sportif, convenable, a été nettement faussé par des frasques en dehors du terrain. Même si Laurent Blanc ne peut pas se porter garant de la bonne conduite de ses joueurs dans le domaine privé, les polémiques liées à Serge Aurier amenuisent son crédit.