Belle ironie tout de même. Un Français possiblement à la tête de la sélection d’Angleterre. L’affront suprême pour nos voisins et rivaux historiques. Même si les tensions se sont nettement apaisées au fil des années, cette forme de love-hate story tend à perdurer. Impossible de bouder son plaisir à l’idée d’imaginer un froggy diriger les Three Lions. Car c’est une réelle éventualité. Roy Hodgson démissionnaire après un Euro cataclysmique, la Fédération anglaise (FA) pare au plus pressé. Sur sa short-list figurent Sam Allardyce, Jürgen Klinsmann, Glenn Hoddle, Guus Hiddink, mais surtout… Arsène Wenger et Laurent Blanc ! Jouissif pour le chauvinisme français. D’autant plus qu’un troisième french guy a pointé le bout de son nez vendredi dernier : l’inénarrable Eric Cantona.
Arsène Wenger: la lose avec la lose
A la fois la piste la plus légitime et celle qui symbolise le mieux le désarroi de la FA. Tout le monde s’accorde à dire que le coach d’Arsenal est un mythe en Angleterre, son refuge depuis 1996. Il a bâti une institution, imposé un style de jeu reconnu dans tout le Royaume, remporté trois titres de champion d’Angleterre (1998, 2002, 2004), permis aux Gunners de se qualifier 19 fois sur 20 pour la Ligue des champions… Arsène Wenger est une légende. La FA le sait, et serait disposée à attendre juin 2017 (fin de son contrat avec Arsenal) pour l’introniser à la tête de la sélection. D’ici là, Gareth Southgate, actuel entraîneur des Espoirs anglais, assurerait l’intérim.
Soyons réalistes et un brin sarcastiques : Arsène Wenger et la sélection anglaise, ce serait un mariage loin d'être incongru. Deux losers notoires qui collaborent, logique. L'Alsacien n'a plus gagné de championnat d'Angleterre depuis douze ans, alors que les Anglais se vautrent à chaque compétition internationale depuis un demi-siècle (dernier trophée : Coupe du monde 1966). Chercher une meilleure compatibilité serait une perte de temps. Dan Ashworth, le Directeur technique tational anglais, la semaine dernière : «Est-ce qu'Arsène a une formidable compréhension de la Premier League, des joueurs, des médias, et des attentes des Anglais ? Évidemment». Avec l'ancien entraîneur de Monaco à la tête des Three Lions, on aurait le droit à une pelletée de banalités : «Ça joue au ballon avec Wenger !», «Au moins, les fans en ont pour leur argent !», «C'est un visionnaire, il découvre et fait jouer des jeunes !». Le plus inquiétant ? La FA serait tout à fait capable d'entendre ces arguments.
Laurent Blanc: four-three-three
«Ce soir, j'ai vu des améliorements», «c'est pas à moi à dire à ce que vous m'avez dit», «on va le faire avec une grande professionnalité». Sacré Laurent Blanc. Déjà en difficulté dans sa langue maternelle, on paierait pour voir le Cévenol expliquer en anglais, devant la presse, les raisons d'un réajustement tactique. Enfin, réajustement tactique… On se comprend. Disons changement poste pour poste. Ça colle bien mieux au personnage, adepte d'un seul et même dispositif tactique (le 4-3-3), qu'importe l'adversaire. Point positif pour lui, les joueurs anglais ne seraient pas dépaysés. C'est le système qui a été utilisé par Roy Hodgson à l'Euro. Avec le succès qu'on sait…
Sa faible maîtrise de l’anglais pourrait plomber Blanc. A l’instar de l’Italien Fabio Capello (2007-2012), un des deux sélectionneurs étrangers ayant coaché la sélection anglaise, avec le Suédois Sven Goran Eriksson (2001-2006). Autre problème, son incapacité à gérer convenablement l’exercice de la communication. Souvent pudique et introverti, parfois cassant et à la limite de l’outrecuidance avec la presse, il ne ferait pas long feu face aux médias anglais réputés inquisiteurs instaurant habituellement un rapport dominant/dominé avec l’entraîneur en place.
Trois choses que l’on ne peut pas enlever à Laurent Blanc : ses onze titres glanés en trois ans avec le Paris Saint-Germain, son excellente carrière en tant que joueur (sa parenthèse à Manchester United doit plaider en sa faveur), et son expérience de sélectionneur de l’équipe de France (2010-2012). La FA a semble-t-il été convaincue par le pedigree du bonhomme. Selon les bookmakers anglais, il serait le cinquième favori pour le poste, derrière Allardyce, Klinsmann, Hoddle et Hiddink. Cela dit, pas sûr que les Anglais soient prêts à supporter un couloir droit Kyle Walker-Nathaniel Clyne dans un match à enjeu (remember Réveillère-Debuchy face à l’Espagne à l’Euro 2012)…
Eric Cantona: a joke, isn’t it
C’est une candidature spontanée que lui seul pouvait mettre en scène de la sorte. Un maillot de l’équipe d’Angleterre et un air dédaigneux pour une allocution surréaliste teintée de second degré. Opportuniste et inspiré dans une vidéo de trois minutes postée sur le compte Twitter de Eurosport.fr, King Eric a fait étalage d’une autodérision assez rafraîchissante, où il n’est que sa propre caricature.
Bien évidemment, on ne peut pas prendre au sérieux ses promesses «électorales» («Je promets de ne plus jamais perdre contre une petite île gelée où le gardien de but est un réalisateur de films et le coach assistant est dentiste»), et donc sa candidature. Ça nous arrange bien, car une aspiration sincère aurait été relativement gênante. Tout Eric Cantona qu'il est, on peut légitimement douter de sa capacité à manager une équipe nationale du calibre de l'Angleterre, lui qui n'a aucune expérience fiable (soyons sérieux et omettons son rôle de coach de l'équipe de France de football de plage). En y réfléchissant, un poste au sein du staff ne serait pas une mauvaise idée. Leadership naturel, charisme, passé glorieux, caractère bien trempé, Eric Cantona pourrait apporter une plus-value en boostant certains joueurs (Raheem Sterling et Jack Wilshere par exemple, des joueurs qui devraient montrer beaucoup plus en sélection).