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Libération
La roue tourne (3/5)

Le dernier jour en jaune de Merckx

Tour de France 2011dossier
A chaque héros du Tour de France, sa fin de règne. Aujourd’hui, la course où le «Cannibale» perdit la tête.
publié le 18 juillet 2016 à 19h41

Quand il courait encore, Eddy Merckx était déjà une légende : cinq Tours de France, cinq Tours d’Italie, trois titres de champion du monde, sept Milan-San Remo, cinq Liège-Bastogne-Liège, trois Paris-Roubaix, et des brouettes entières encore, cette page ne suffirait pas à écluser son palmarès. Merckx domine, et ça énerve : ses adversaires, la presse, le public en a marre. Mais que faire ? En 1975, le Tour de France commence comme ceux de 69, 70, 71, 72 et 74 (Merckx était absent en 73). Le «Cannibale» a pris le maillot jaune au bout d’une petite semaine de course, il a gagné deux contre-la-montre et traversé les Pyrénées sans problème, bref, il va devenir le premier coureur à gagner le Tour six fois, ça ne fait pas un pli.

Sa chute sera aussi brutale que son règne. Quarante-huit heures, pas une de plus, suffisent à mettre à bas la plus large domination qu’ait jamais connue le cyclisme. 11 juillet : Merckx est en jaune, roi du Tour et de son sport. C’est l’étape du Puy-de-Dôme, et à 150 mètres de la ligne d’arrivée, le Belge reçoit un coup-de-poing au foie asséné par un spectateur. Geste volontaire d’un anti-Merckx comme il y en a alors beaucoup ? Dommage collatéral d’une rixe au bord de la route ? L’intentionnalité de ce direct restera un mystère pour l’éternité. Le lendemain, le Belge, touché physiquement et moralement, profite du jour de repos pour se soigner. Puis on entre dans les Alpes. Et Merckx s’est refait la cerise. Son principal rival, Bernard Thévenet, l’attaque cinq ou six fois dans le col des Champs. En vain : c’est le Belge qui se fait la malle dans l’ascension suivante, le col d’Allos. A l’issue de la descente, Merckx a plus d’une minute d’avance sur le Français et la course est pliée : il ne reste plus que six kilomètres d’ascension - pas trop difficiles - jusqu’à Pra-Loup. Ce sera pourtant suffisant pour couler : soudainement sans gaz, livide et dépassé, collé à la route, Merckx perd trois minutes en six bornes, et son maillot jaune. Il ne le sait pas encore, mais il n’en portera plus jamais. 13 juillet : le «merckisme» est mort.