La consécration. Dimanche, l'équipe de France des moins de 19 ans a raflé le championnat d'Europe de foot. En finale, elle s'est baladée face à l'Italie (4-0). Sur la pelouse, les futurs grands de demain. Parmi eux, Kylian Mbappé, 17 ans. Le joueur a brillé tout au long de la compétition. Il a enchaîné les passes, les dribbles et les buts : Kylian Mbappé fait tout plus vite que les autres. En décembre 2015, il a intégré le groupe professionnel de l'AS Monaco. Et le 20 février, après un but face à Troyes, il est devenu le plus jeune buteur de l'histoire, juste devant Thierry Henry. Pas mal. Kylian Mbappé est lié à Monaco jusqu'en 2019 et il y a du monde derrière la porte : il fait saliver tous les grands clubs du vieux continent. Sa trajectoire est loin d'être une surprise. On avait croisé la route du gamin en 2011. C'était à Clairefontaine. L'idée était de prendre la température après l'affaire des quotas qui venait d'ébranler le foot français et le sélectionneur de l'équipe de France, Laurent Blanc.

On rembobine. Ce mercredi 18 mai, sous le soleil, se déroule l’avant-dernier tour des sélections de jeunes en vue d’intégrer cette école d’élite hexagonale. Avant eux, Thierry Henry, Nicolas Anelka ou Hatem ben Arfa sont passés par là. Sur un terrain couvert, une cinquantaine d’enfants âgés de 12 et 13 ans, chasubles numérotées sur les épaules, s’apprêtent à passer une série de tests. Interrompant le chant des oiseaux, les préparateurs déclinent les exercices comme on donne des instructions militaires : jongles, dribbles, courses. Par petits groupes, les jeunes joueurs s’exécutent sans moufter, avec un talent évident. Autour de l’aire de jeu, parents et entraîneurs sont venus soutenir leur protégé. Deux mères improvisent un pique-nique sur l’herbe, tandis que certains coaches, nerveux, scrutent les moindres mouvements des footballeurs en herbe, chronomètre à la main.

Les recruteurs de clubs professionnels sont également de la partie et notent minutieusement les prestations des ados qu'ils suivent souvent depuis leur plus jeune âge. Parmi la relève, Kylian Mbappé, un marmot discret, peu bavard. A l'inverse de son père, Wilfried : relax. L'entraîneur à Bondy (Seine-Saint-Denis) est venu observer son fils, 12 ans à peine et déjà suivi par de nombreux clubs professionnels, y compris à l'étranger. Père d'un premier footballeur sélectionné en équipe de France espoirs, il ne craint pas une éventuelle restriction du nombre de joueurs noirs mais s'agace de la polémique. «Même si on ne saura jamais le vrai du faux, pour nous, les entraîneurs de banlieue, ça a été une bombe. C'est choquant car les gamins se sentent français, et presque tous rêvent de jouer en équipe de France.» Sur la pelouse, son enfant, maillot du Milan AC sur les épaules, traîne un peu des pieds. Il économise ses courses. Et ne montre rien de fou. On interroge les recruteurs : ils sont prêts à vendre leur mère pour faire signer le gamin. L'un d'entre eux nous explique que «Kylian est au-dessus de la moyenne et il le sait. C'est pour ça qu'il n'en fait pas des tonnes aujourd'hui: son nom est déjà sur la liste des admis.»

L'après-midi foot touche à sa fin : Kylian tombe dans les bras de ses parents. Il déguste son goûter et marche lentement vers le parking pour retrouver sa Seine-Saint-Denis. L'affaire des quotas ne l'intéresse pas : le meilleur sera toujours sur la pelouse. Il compte ses mots et lâche des phrases (déjà) toutes faites. Avant de le laisser filer, on lui pose une dernière question. Son objectif ? Il répond comme des milliers de gamins, «gagner le ballon d'or». Sauf que dans sa bouche le rêve résonne différemment. De l'assurance, de la détermination. Depuis, il a franchi les étapes à grande vitesse. Le chemin reste encore long, mais Kylian Mbappé a une longueur d'avance.