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Disciplines olympiques, des critères pas toujours très sportifs

Jeux olympiques de Rio 2016dossier
Cette année, deux nouvelles disciplines débarquent à Rio. Un sacre qui dépend des critères officiels du Comité olympique international, mais pas seulement.
La torche olympique des Jeux de Rio à son arrivée à Goiania, dans l'Etat de Goias, le 5 mai. (Photo Andre Mourao. AFP)
par Charlotte Belaïch et Débora Miezi
publié le 4 août 2016 à 11h10

A la veille de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Rio, on évoque déjà ceux de 2020, à Tokyo. Le Comité international olympique (CIO) a rendu son verdict: cinq nouveaux sports – le karaté, le baseball et son pendant féminin, le softball, l'escalade, le skateboard et le surf – intégreront les JO au Japon. Pour devenir olympique, une discipline doit obéir à des critères fixes. Le sport doit «être largement pratiqué à travers le monde», administré par une fédération internationale reconnue par le CIO, avoir une bonne image, assurer la protection des athlètes et ne pas nécessiter des coûts d'organisation trop élevés. Ensuite, «le comité d'organisation propose et le CIO a la décision finale», précise Pierre Lagrue, historien du sport et spécialiste de l'olympisme. Voilà pour la théorie.

L'influence des nations, critère officieux

Mais en pratique, certains sports ont du mal à se faire une place. C'est le cas du karaté, recalé à trois reprises, en 2004, 2008 et 2016, malgré un profil excellent et la reconnaissance, en 1999, de la Fédération internationale de karaté par le CIO. Pour Pierre Lagrue, l'absence de l'art martial japonais dans la programmation olympique «est un mystère complet».

Dans le sacre des disciplines jouent en fait des facteurs qui ne sont pas formellement édictés par le CIO. Sur la liste de ces critères officieux : l'influence des nations. «Jusqu'en 1912, chaque pays organisateur pouvait choisir quel sport restait au programme et lequel n'en faisait plus partie. Il y avait des disciplines qui entraient en tant que sports de démonstration, cela permettait de promouvoir des disciplines nationales. Certains sports de démonstration pouvaient devenir des sports officiels», raconte Pierre Lagrue. Par la suite, le CIO a pris les rênes de l'organisation, ce qui n'a toutefois pas empêché le karaté de faire les frais de l'influence de la Corée du Sud, pays organisateur des JO d'été de 1988. «A l'époque, Kim Un-yong est, non seulement, le représentant sud-coréen du CIO, mais il est aussi président de la Fédération internationale de taekwondo», se souvient Florence Carpentier, historienne du sport et maîtresse de conférences à l'université de Rouen. Il influence alors le comité et impose l'art martial comme discipline de démonstration, avant qu'il soit officialisé en 2000, coupant la route à son concurrent japonais. Même explication pour le basketball, ajouté au programme en 1936. «Ça a été un échec mais le CIO l'a tout de même conservé pour contenter les Américains», explique Pierre Lagrue.

Des allées et venues au rythme des rivalités nationales

Si l'athlétisme, le cyclisme, l'escrime, la gymnastique et la natation n'ont manqué aucun rendez-vous olympique depuis la création des Jeux modernes, en 1896, d'autres ont fait des allées et venues au rythme des rivalités nationales. C'est le cas du handball à onze. Intégré en 1936, dans une version en plein air, par l'Allemagne nazie, il sera éjecté avant de faire un retour symbolique aux JO de Munich, en 1972, dans sa version hongroise, à sept et en salle.

«Le choix de la programmation olympique est aussi le fruit de stratégies internes au sein du CIO car beaucoup de membres de la commission sont aussi présidents de fédération», ajoute Florence Carpentier. Un lobbying interne qui a permis d'exclure des fédérations moins influentes au profit d'autres, plus puissantes.

Aujourd'hui, l'influence économique s'est ajoutée à celle des pays hôtes et des fédérations. L'arrivée du rugby à 7, à Rio, en est le fruit. «Plus universel» et avec des matchs qui durent «moins longtemps» que la version à quinze, ce sport permet au CIO et à ses partenaires d'attirer un public tout neuf et des parts de marché venus des pays du Sud. Radié en 1924 à cause de la violence de supporters mécontents, il doit ainsi se racheter une image auprès du CIO en faisant en sorte à ce que l'histoire ne se répète pas.

De son côté, aucun problème d'image. Le golf, sport élitiste par excellence, fait aussi son grand retour. Le CIO compte sur cette discipline pour attirer un public aisé et des marques de luxe, même si les désistements de nombreux champions (sous prétexte de virus Zika) risquent de transformer cette expérience en «fiasco total», selon Pierre Lagrue.

Pour 2020, le wushu éliminé, le surf retenu

Avec la dernière réforme du CIO, qui a aboli en 2014 la limite de 28 sports pour les Jeux d'été, les nations organisatrices sont d'autant plus enclines à proposer l'entrée de nouvelles disciplines pour grignoter des parts de marché. «Avant, à chaque sport ajouté, il fallait en supprimer un autre pour respecter cette limite. Cette règle a été balayée : on ne retire plus de sport pour ajuster. Cette démarche permet de toucher un public plus large et de favoriser les apports financiers», explique Pierre Lagrue. En témoignent les disciplines retenues par le Japon pour 2020. Éliminés, le bowling, le squash et le wushu, un art martial chinois. Fujio Mitarai, président du comité de sélection du comité olympique japonais expliquait avoir choisi de retenir les candidatures de disciplines qui pourraient attirer les jeunes et plaire au public nippon. Le surf a ainsi convaincu les organisateurs en mettant en avant son «sex-appeal» quand le skate a promis un spectacle équivalent à celui de la NBA. Quant au baseball/softball - retiré des programme après 2008 - il pourrait rapporter près de 50 millions d'euros, uniquement en ventes de billets, selon les estimations des organisateurs des Jeux de 2020.

Pour le karaté, éternel recalé de la compétition, c'est finalement une pétition signée par 720 000 personnes qui a convaincu les membres du comité olympique. La pétanque, la boule lyonnaise et la raffa volo, également portées par une pétition de la Confédération mondiale des sports de boule, ont donc peut-être leur chance pour 2024. La pétanque aux Jeux de Paris, ça aurait de la gueule.