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Libération
Éditorial

Naufrage

Publié le 04/08/2016 à 20h11

C’est promis, on parlera de sport très vite, mais jusqu’ici, ces Jeux olympiques qui s’ouvrent à Rio aujourd’hui ont beaucoup plus concerné les questions de dopage, de diplomatie, de services secrets, d’argent, de lobbys, que le reste. Bien loin de l’esprit d’un Pierre de Coubertin - qu’on cite de toute façon de manière abusive, donc autant arrêter. En dehors des questions d’organisation, qui se posent à chaque olympiade, et de sécurité, on n’avait pas ressenti une telle ambiance de type guerre froide depuis plus de trente ans. Le bras de fer entre le Comité international olympique, les fédérations sportives et la Russie menacée d’exclusion pour avoir instauré un système de dopage lors des Jeux d’hiver de Sotchi, en 2014, a viré à une guerre débordant largement du cadre sportif.

Il y a quinze jours, le CIO aurait pu frapper un grand coup dans la lutte contre ces pratiques en interdisant à la Russie toute délégation à Rio. Elle a préféré la voie du consensus, voire la faiblesse face à un Poutine qui a fait du sport un élément central de sa politique et de son image à l’international. Ne mettons pas tout sur le dos de la Russie. Sans doute, il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg, et bien des zones d’ombre planent sur d’autres pays et d’autres disciplines. Sans doute la lutte contre le dopage est un combat sans fin. Mais résultat, l’ouverture de ces Jeux ressemble à un naufrage moral pour le sport pris en otage entre cette politisation à outrance et cette recherche de la performance à tout prix. Aujourd’hui, il faut attendre une dizaine d’années avant que puissent être proclamés les résultats définitifs des podiums. La raison : donner le temps à la science de pouvoir détecter, après coup, des substances introuvables au moment des compétitions. La beauté du geste et l’amour de la compétition, on fera peut-être un peu semblant d’y croire au début, mais on a hâte que le sport reprenne ses droits.