On connaissait son engagement pour l’enfance défavorisée, dans l’ONG Gol de Letra. Mais Raí lutte aussi pour le développement du sport dans son pays au sein d’une autre association dont il est cofondateur, «Athlètes pour le Brésil». L’ancienne légende du PSG et champion du monde 1994 revient sur le legs du Mondial et des JO pour le Brésil et les enjeux du sport dans le pays.
(Photo AFP)
Etiez-vous favorable à ce que le Brésil organise le Mondial de foot et les JO ?
Oui, mais j’avais aussi des craintes qui se sont, hélas, avérées. Le Mondial a été positif pour l’image du pays. Il y avait une ambiance de fête, les touristes se sont sentis bien accueillis. Pour le reste, le bilan est catastrophique. Les chantiers ont été surfacturés et livrés avec retard. Idem pour ceux des JO. Tout cela est indissociable de la politique. Les entreprises du bâtiment financent les campagnes électorales. La corruption est un monstre que l’on doit exorciser.
Quel est le legs sportif de ces compétitions ?
Nous nous battons encore pour qu’il en reste quelque chose. Le Brésil a perdu cette opportunité de massifier le sport, d’en améliorer la pratique dans les écoles. On n’a même pas réfléchi à l’usage post-Mondial des stades, aujourd’hui sous-utilisés. Et malgré quelques bonnes idées, les installations olympiques courent le même risque. Le sport reste traité comme quelque chose de superflu.
Parlez-nous d’«Athlètes pour le Brésil».
C’est une initiative pionnière dans le monde. Nous sommes une soixantaine d’athlètes et d’ex-athlètes de haut niveau qui défendons la démocratisation du sport. C’est une condition pour devenir une puissance olympique et, surtout, pour le développement social. Dès 2012, nous avons fait signer des engagements précis aux villes hôtes du Mondial. Cela nous permet aussi de les rappeler aux mairies qui ne les ont toujours pas respectés. En 2013, nous avons obtenu une grande victoire. On a réussi à faire changer la loi pour limiter à deux le nombre de mandats des dirigeants des fédérations, dont certains sont au pouvoir depuis trente ans ! C’est une révolution, qui va faire émerger une nouvelle mentalité, d’autant que les athlètes prendront part, désormais, aux décisions.
Le Brésil est-il un pays «mono-sportif», axé sur le foot ?
Nous sommes bons en foot car c’est un sport accessible à tous. Notre vocation sportive est bridée par un système élitiste. Les meilleurs clubs sont privés. Et pour être prof d’éducation physique, il faut avoir fait quatre ans d’université. Or les Brésiliens qui font des études sont peu nombreux et ils travaillent ensuite dans le privé… A Gol de Letra, nous nous sommes attaqués à ce problème en dispensant une formation intermédiaire d’éducateur sportif, adoptée désormais par le gouvernement de São Paulo. L’objectif est de relever le niveau déplorable de l’initiation sportive dans les écoles publiques. Beaucoup d’entre elles n’ont même pas de terrain de sport !
Quel est le bilan sportif du Parti des travailleurs (PT), au pouvoir ces treize dernières années ?
Il y a eu des progrès, tel le financement du sport via des incitations fiscales et la construction d'infrastructures. Mais nous n'avons toujours pas un système sportif intégré, où les compétences seraient définies. Quel rôle incombe à l'Etat central, aux Etats fédérés et aux municipalités, aux fédérations et aux clubs ? Dans le flou actuel, les politiques publiques se superposent, et les fédérations font ce que bon leur semble. La Présidente, Dilma Rousseff [menacée de destitution, ndlr], avait fini par accepter de créer un groupe de discussion, notamment avec les athlètes.
Soutenez-vous encore le PT ?
Je me considère de gauche ou en tout cas de centre gauche, mais n’ai jamais adhéré à aucun parti. En raison de mon action sociale et politique, je me dois de rester indépendant.
Allez-vous dialoguer avec le gouvernement de Michel Temer, le Président par intérim ?
S’il le faut, je le ferai.
Les sportifs brésiliens sont très engagés. Comment l’expliquer ?
Nos athlètes se mobilisent plus que les autres, même si ce n'est toujours pas suffisant face aux besoins. En jouant un rôle politique dans le sport, mon frère Sócrates [décédé en 2011, il fut à l'origine d'une expérience démocratique inédite au sein des Corinthians de São Paulo] avait ouvert la voie. Il sert d'exemple à nos sportifs, mais il n'est pas le seul.
La Seleção semble toujours sonnée par sa défaite par 7 à 1 face à l’Allemagne au dernier Mondial. Peut-elle remporter l’or olympique, le seul titre qui lui manque ?
C'est peu probable [le Brésil a d'ailleurs mal commencé son tournoi en concédant le nul, 0-0, face à l'Afrique du Sud]. Notre défaite au Mondial n'est que la conséquence d'une absence de stratégie. La fédération brésilienne est beaucoup trop puissante. Les clubs n'ont toujours pas réussi à s'organiser en ligue pour réfléchir ensemble à l'avenir de notre futebol.