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Beslan Mudranov place la Russie au rayon sports

Le judoka, premier médaillé d'or russe des JO, s'est habilement sorti d'une conférence de presse où il fut beaucoup question de dopage et de politique

Beslan Mudranov après sa victoire en finale des - de 60 kilos. (Photo Jack Guez. AFP)
Publié le 07/08/2016 à 7h16

C'était l'un des hommes les plus attendus des Jeux, même si personne ne connaissait par avance son visage : le premier médaillé d'or russe de Rio, rescapé – si l'on rembobine le film – des velléités du Comité international olympique (CIO) de faire table rase et d'exclure la totalité des sportifs russes après que le rapport McLaren a mis en lumière rien moins qu'un dopage d'état impliquant jusqu'à la police secrète lors des Jeux d'hiver de Sotchi en 2014.

On a identifié cet homme dès le premier jour des Jeux : le judoka Beslan Mudranov, sacré en moins de 60 kilos. Grosse attente dans la tente qui abrite les conférences de presse post-victoire du judo, un brin surréaliste aussi : comme c’est la salle de presse qui accueille les raouts médiatiques, une écrasante majorité des présents se fout complètement des lauréats et de leurs réponses, travaillant en silence ou racontant des blagues – quand ils ne mangent pas un truc.

Mudranov est arrivé là-dedans. On a rapidement perçu le côté savoureux de l'affaire : attendu comme le bras armé d'un système de tricherie sans équivalent au XXIe siècle, Mudranov s'est avéré être un petit bonhomme charmeur, poli, habile aussi – mais ça colle peut-être avec sa conviction profonde – puisqu'il a tenu une position strictement sportive, se portant au-dessus ou à-côté des calculs politiques occupant son camp (Vladimir Poutine, le président russe) comme celui d'en face (les membres des instances sportives qui voulaient exclure les russes en bloc).

Sur la menace de l'exclusion, levée 24 heures seulement avant le début des épreuves : « Beaucoup de pression psychologique sur les athlètes. En ce sens, je sais que cette médaille d'or représente beaucoup pour mon pays. Personne n'a cédé. » Sur l'approche des Jeux, justement : « Nous [l'équipe de judo] étions en stage au Portugal pendant que l'affaire [d'une éventuelle exclusion] a pris de l'ampleur. Puis, nous sommes arrivé au Brésil le 2 août. Je parle de pression mentale sur les athlètes mais au fond, nous avons toujours été confiant sur notre présence aux Jeux. »

Pourquoi ? « Parce que l'exclusion des sportifs russes, comme ça, en bloc, était impensable. Le président du CIO doit savoir de quoi il parle. D'une vie dédiée à un truc qu'on décide de t'enlever sans raison, en sachant pertinemment que tu n'y es pour rien. » Le tout dit calmement, sans hausser le ton, sans même y mettre la moindre trace de fierté. Mudranov n'est pas la moitié d'un judoka russe : il vient du sambo, un sport de combat que l'on ne pratique que là-bas. Il n'a enfilé son premier kimono qu'à 22 ans, connaissant alors une réussite fulgurante dans le sport qui l'a consacré samedi. Après la conférence de presse, il a accédé poliment à ceux qui lui demandaientt des selfies, sans ostentation non plus. Comme tous les sportifs de son pays, il aura gagné une rente à vie avec ce titre olympique. La Russie, elle, pouvait difficilement rêver meilleur ambassadeur pour lancer ses Jeux.