On vous dévoile ici la vraie vie du reporter aux fesses de l’équipe de France de judo engagée dans le tournoi olympique depuis samedi, équipe complètement plantée – zéro médaille, un seul quart de finaliste – avant la demi finale de Clarisse Agbegnenou en moins de 63 kilos mardi dans la soirée : une fois le judoka tricolore battu, ce qui survient tôt dans la journée pour l’instant, le reporter file en zone mixte pour recueillir les mots de l’intéressé.
Là, il voit filer comme un avion l'athlète en larmes, qui passe devant lui sans un mot. Un membre du staff tricolore intervient alors : «Il reviendra vous parler après. Je ne sais pas quand.» Puis, la personne en question négocie par SMS avec les entraîneurs le retour du perdant. Une scène reproduite mardi après la défaite indiscutable dès le premier tour de Loïc Pietri face au Canadien Valois-Portier dès son entrée en lice en moins de 81 kilos.
De trois choses l’une : ou bien le judoka est à cet instant dévasté par le chagrin, ou il va sortir ce qu’il estime (ou que son entraîneur estime) être une connerie, ou c’est les deux. Quant l’athlète revient, il s’exprime en général d’un ton posé et ne prête jamais le flanc à la polémique : on ne va pas affirmer ici que son entraîneur lui a mis les mots dans la bouche entre sa disparition en zone mixte et sa réapparition, mais on le pense très, très, très fort.
Quand le gars s'arrête juste après sa défaite, c'est sons et lumières : les arbitres en prennent plein la gueule (Priscilla Gneto, Pierre Duprat) et on évoque même une mainmise russe sur le judo et ceux qui le jugent les jours de compétition. On en a vu un qui s'est dans un premier temps tu tout en exprimant sa défiance envers ces mêmes arbitres, son index faisant «non, non» quand il a filé. Une fois revenu, le gars a expliqué que non, que les juges étaient supers et que c'était sa très grande faute que de ne pas l'avoir emporté.
On ne se fait aucune illusion sur la portée voyeuriste d’un job qui consiste à recueillir les propos d’un athlète venant de voir s’envoler quatre ans de travail et de souffrances en une fraction de seconde. Et on peut comprendre que le staff essaie de reprendre la main sur les mots des champions, pour une question d’image et même de perspective puisque deux autres judokas tricolore monteront sur le tatami le lendemain et la Fédération internationale a des oreilles. Pour autant, ça pose un problème grave. Il est double : on entrave la libre expression de l’athlète et on le prend par-dessus le marché pour une marionnette soumise à un numéro de ventriloque – on parle d’infantilisation. Le reporteur attaché à la geste sportive se bat chaque jour pour que les acteurs aient le respect qu’ils méritent. Parler à sa place n’aide pas.