Avant les Jeux, Yannick Agnel a parlé des médailles qu’il se verrait bien ramasser, fustigeant les détracteurs qui le disaient cuit. Puis, une fois dedans, il a foiré son 200 mètres - il était détenteur du titre - et annoncé qu’il arrêterait définitivement la natation après le relais 4 x 200, qui débutait mardi. Il a finalement déclaré forfait, officiellement malade, ce qui a fortement déplu à ses coéquipiers, défaits en séries.
Quand l’un l’accusait d’avoir abandonné l’équipe et de n’avoir pensé qu’à sa poire, un autre était au bord des larmes. Alors, Agnel a décidé d’organiser une conférence de presse le soir même (dans la nuit de mardi à mercredi), sous la piscine olympique. En solo, juste avec sa version des faits, comme un préfet. On l’a écouté raconter sa sinusite, qui aurait poussé la Direction technique nationale (DTN) à l’écarter du relais. Celle-ci aurait briefé les autres nageurs en pleine nuit tandis qu’il dormait, mais aurait mal géré au petit matin, quand il s’est dit prêt à tenir sa place. Il a juré qu’il voulait en être, qu’il n’a rien décidé et qu’il y a eu des erreurs dans la com en interne. Les accusations à son endroit ? Motivées par de "la déception», qu'il comprend. Il a aussi évoqué l’attentat au Pakistan, les bons moments passés avec les journalistes au cours de sa carrière et le monde capitaliste qui se goure sur les nageurs. On est ressorti de là sans changer un mot sous la légende de son portrait-robot : avec lui, on ne sait jamais vraiment. C’est un jeu, dans lequel il est très bon.
Agnel out, c'est Damien Joly, spécialiste du 1500 mètres, qui a dû assurer le SAV au sein du relais. Voilà l'autre version des faits balancée à chaud par ses acteurs : prévenus en pleine nuit que le champion olympique ne voulait pas nager, il a fallu raser le corps du remplaçant à l'arrache pour qu'il soit prêt le mardi matin. En prime, il y a eu des changements de dernière minute quant à l'ordre de passage des nageurs. Il paraîtrait même que le matin, Agnel ait voulu participer, avant de redéclarer forfait, genre gros bébé soupe au lait. A peine sorti de l'eau après la déroute, Jordan Pothain, l'un des relayeurs, a craqué: «Je pense vraiment qu'on a baigné dans un tissu de mensonges. Je lui (Agnel) en veux simplement de ne pas avoir été honnête, et ça, depuis trop longtemps. Il nous a un petit peu lâchés les trois derniers jours, depuis sa course en individuel». Le même Pothain, qui au printemps, s'était retrouvé dans une autre embrouille avec Agnel: aux championnats de France qualificatifs pour les Jeux, il lui a cédé sa place - ou il a dû le faire - pour le 200 mètres en solo à Rio, alors même que le champion olympique en titre n'avait pas réussi à faire les minima.
«Je vais être un peu méchant là-dessus mais je m’en fous de Yannick, pour moi il y a une belle équipe ce matin qui espère se qualifier»
Un énorme bordel, qui confirme toutes les théories de ces derniers mois : la natation française a un point de côté. Un trou. Ses grands champions s’en vont, dont Agnel, 24 ans. Au dessus de la salle de conf', quelques minutes après, Michael Phelps, 31 ans, le revenant qui rajeunit, a réalisé un doublé en or sur le 200 mètres papillon et en relais. Il compte désormais 21 médailles olympiques.