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Libération
Billet

Teddy Riner ne sauvera pas le judo français

publié le 11 août 2016 à 21h11

«Là, on a pris une calotte.» Derrière la faconde du directeur technique national du judo français, Jean-Claude Senaud, la panique. Jusqu'à l'élimination mercredi au premier tour de Gévrise Emane, championne du monde en titre, le staff tricolore temporisait : non, le bilan n'est pas encore catastrophique, nos cadors sont plutôt dans les catégories lourdes. On nous avait promis une moisson de médaille sur les tatamis de Rio, dans des dimensions comparables au millésime 2012, où la France en avait arraché 7. On a vu des combattants éteints, éjectés prématurément, le tout saupoudré de déclarations pyrotechniques. Hormis l'argent de Clarisse Agbegnenou et les performances dignes de leur rang d'Audrey Tcheuméo et Cyrille Maret, le bruit et la fureur étaient, côté français, dans la zone mixte. Avant que le staff français ne ceinture l'expression de ses représentants, sommés de verbaliser leurs rêves brisés avec pondération, pendant que les observateurs se demandaient si le problème n'était pas justement là, dans cette bulle de coton qui entoure les judokas français, ramenés à la brutalité de leur art par des concurrents moins encadrés, mais plus affamés.

Teddy Riner, pendant ce temps-là, répétait ses gammes. Sur les réseaux sociaux, tout à son rôle de porte-drapeau de la délégation bleue, le Guadeloupéen (ou son attaché de presse) distribuait les bons points aux Français dans les autres disciplines. Au milieu de tout ça, une vidéo de soutien de Thierry Henry en créole et un selfie avec son «pote» Tony Parker. Riner est l'astre central d'une galaxie dont le petit monde du judo français fait bien partie, mais n'est qu'un minuscule satellite.

Riner, c'est le judo tout entier. Pour preuve, la fédé internationale a imposé cette année que les têtes de série soient en kimono blanc, apparat traditionnel, afin que Riner apparaisse immaculé sur toutes les images de son triomphe à venir. Car, sauf révolution copernicienne, le champion olympique des lourds le restera. La dynamique catastrophique de ses coéquipiers ne devrait pas entamer les dispositions du titan. Sur la planète Riner, les tendances conjoncturelles ne s'appliquent pas. Invaincu depuis 2010, il évolue à un autre niveau historique et temporel. Après son élimination, Emane disait : «Dans le sport, il n'y a pas de loi. Tu peux tout faire, et perdre.» L'expérience a eu tendance à démontrer que Riner était au-dessus de ça. Quoi qu'il arrive, il ne sauvera pas le judo tricolore. En revanche, aucune inquiétude à se faire pour lui, habitué à vaincre seul.