Mardi, après sa 3e place sur le 110 m haies, le Français Dimitri Bascou est allé voir la presse avec le reste du podium (McLeod et Ortega), comme le veut l'usage. A minuit passé, dans une salle de conférence quasi vide, un confrère étranger a posé une question sur les athlètes russes - suspendus par la Fédération internationale d'athlétisme - en pensant très fort à Sergey Shubenkov, champion du monde en titre. En substance, il a demandé quel était leur avis. Réponse diplomatique, avec une mention spéciale pour Bascou, qui a dégainé quelque chose à la limite de l'intelligible, sorte de communiqué en mode «oui, mais en fait non, alors que oui». Pas parce qu'il est maladroit, mais parce que là aussi il est en compétition : sauf s'il y a un calcul derrière, le défi est de ne surtout pas se foirer et d'être lisse au possible. Après sa démonstration, il a regardé un membre de la délégation française, lequel lui a fait un signe que son message codé était parfait.
Dans ces cas-là, une petite phrase moins diplomatique que la précédente peut mettre dans une mouise pas possible, encore plus si ça tient en un tweet. Renaud Lavillenie, par exemple, battu par un Brésilien au saut à la perche. Forcément, le public l’a hué pour soutenir le local - dans l’absolu, rien de méchant, c’est le jeu. Mais le Français a craqué et s’est comparé à Jesse Owens, athlète noir américain venu gagner des médailles en pleine Allemagne nazie. Il s’est excusé, mais c’était déjà trop tard. Il était dans une espèce de galère où il n’est plus un sportif qui dégoupille à chaud et qui rate un titre olympique, mais un gars qui clashe le Brésil et, de surcroît, se met à la même hauteur qu’un héros.
Mercredi, il était à la télévision brésilienne pour s’expliquer. Un bourbier de malade qu’il traînera pour une durée indéterminée. En France aussi on en a fait des tartines, ce qui fait gamberger sur un paradoxe : on se plaint que la majorité des sportifs se comportent comme des robots qui se contentent de servir la soupe en zone mixte et en interview, tout en leur passant le message que s’ils font l’inverse, ils peuvent terminer dans un long tunnel. Du coup, quel intérêt pour eux d’arrêter de servir la soupe ?