Caster Semenya (Afrique du Sud) est devenue championne olympique du 800 m, samedi devant Francine Niyonsaba (Burundi) et Margaret Wambui (Kenya). Ce fut une course aussi rapide que triste. On n’a pas entendu cette clameur qui naît dans les gradins quand la cloche sonne et grimpe crescendo jusqu’à la ligne. Il y a eu à la place une rumeur gênée. Comme s’il y avait un décalage entre la dramaturgie de la piste et la bande-son.
Caster Semenya, Francine Niyonsaba et Margaret Wambui présentent une hyperandrogénie, qui les amène à produire un taux élevé de testostérone. Ce sont des athlètes intersexuées, qui courent contre elles-mêmes. L’ampleur de leur performance les disqualifie. Leur médaille les enterre.
Après la course, la Canadienne Melissa Bishop, quatrième, à un dixième de Margaret Wambui, a simplement répondu ceci à un journaliste qui lui demandait comment elle se sentait : «Défaite, évidemment. On bosse tellement dur pour ça. Cette quatrième place, c'est de la merde.» A la BBC, la Britannique Lynsey Sharp, sixième en dépit d'un record personnel battu, en larmes également : «On fait confiance aux dirigeants pour trouver une solution. Le public voit à quel point c'est difficile depuis le changement de règles. Tout ce que nous pouvons faire, c'est faire de notre mieux.»
Le «nous», dans la bouche de Sharp, ce sont les athlètes non intersexuées. Le changement de règles, c’est la décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) de casser un règlement de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Le TAS autorisait de fait les athlètes présentant une hyperandrogénie à concourir sans avoir à subir de traitement.
En 2009, Semenya, à peine 18 ans, avait écrasé la finale des championnats du monde à Berlin, faisant naître des questions et des inquiétudes, au sein de l’IAAF, sur la domination d’athlètes comme elle. L’IAAF avait voulu poser un cadre, en 2011, et interdisait de compétition les athlètes ayant un taux de testostérone supérieur à 10 nanomoles par litre.
C’est ce règlement que le TAS, saisi par l’athlète indienne Dutee Chand (qui a fini septième de sa série du 100 m féminin), a cassé il y a un an, en attendant que soit clairement établi le rôle de la testostérone dans la performance.