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Libération
Au revoir

JO : Rio a répondu

Jeux olympiques de Rio 2016dossier
Belle moisson tricolore, Phelps et Bolt dans l’histoire, le Brésil soulagé… les 28es Jeux olympiques d’été se sont achevés ce dimanche sur un bilan globalement positif.
Le Jamaïcain Usain Bolt, médaillé d'or sur 200 mètres aux Jeux olympiques de Pékin. (Photo Fabrice Coffrini. AFP)
publié le 21 août 2016 à 21h01

Les Jeux de Rio auraient pu s'achever en apothéose pour la France, mais les Experts du hand n'ont pas réussi un triplé historique battu par le Danemark en finale (28-26), même si la dernière médaille restera en or avec le boxeur Tony Yoka en super-lourds. Des Jeux que les Brésiliens ont réussis, au moins en termes d'organisation, contrairement à ce que prévoyaient quelques Cassandre. Bilan en dix points.

Record en trompe-l’œil et polémiques pour la France

La délégation française revient de Rio avec 42 médailles, battant son record de Pékin en 2008 (41). Pourtant, ça avait l'air mal barré au regard de débuts poussifs : une breloque en trois jours et des inquiétudes sur des disciplines qui rapportent comme le judo (après une espèce d'hécatombe au départ), lequel finira sa semaine en force en plaçant cinq de ses représentants sur le podium. Six médailles pour l'athlétisme (mais aucune en or) et six pour la boxe (total inédit), la belle surprise de ces Jeux. Mais ce bilan peut être nuancé. D'abord, la France termine avec 10 médailles d'or, soit moins qu'à Atlanta (15). Elle a surtout envoyé plus d'athlètes (396 contre 323 à Pékin en 2008 et 309 à Atlanta en 1996), avec plus de disciplines couvertes (30 contre 28 à Pékin et 26 à Atlanta). Et puis, mais ça, c'est valable pour tous les pays, quel aurait été le bilan si les athlètes russes (et quelques-uns de leurs collègues d'autres disciplines) avaient été présents ? S'il y avait une médaille de la tchatche, la France en aurait une 43e. Grâce à Kristina Mladenovic et Caroline Garcia qui ont entassé la Fédération française de tennis pour ne pas les avoir prévenues qu'elles devaient porter la même couleur ou Benoît Paire, exclu de l'équipe de France de tennis, ou bien encore, les nageurs qui ont joué au grand déballage, voire Renaud Lavillenie se comparant à Jesse Owens face à l'Allemagne nazie, rapport aux sifflets du public brésilien.

JO 2016 : tableau des médailles final

Les adieux du phénomène Phelps…

Juste après sa victoire sur 200 mètres 4 nages, Michael Phelps a reçu la médaille d’or. Il a chanté l’hymne américain, les yeux mouillés. Environ cinq minutes plus tard, il a redébarqué au bassin, avec une dégaine de machine pour la demi-finale de 100 m papillon. Parka sur le dos et écouteurs dans les oreilles, mains immenses et petites jambes, puis une fois sur le plot de départ, buste penché et bras vers le haut, avant de se frapper le corps pour s’échauffer. Comme si les cinq minutes d’avant n’avaient pas existé. Phelps, 31 ans, vient d’achever ses derniers Jeux, ce qui est un sacré soulagement pour la concurrence. A Rio, il a encore frappé fort : 5 médailles d’or, une en argent. En quatre JO, ça fait 28 breloques, dont 23 titres. Joseph Schooling, le seul à l’avoir battu au Brésil (sur 100 m papillon), a eu droit à une parade à son retour à Singapour - un bus pour lui tout seul. Ce n’est pas un exploit comme un autre : il a vaincu une légende, l’homme le plus titré de l’histoire du sport.

… et ceux de l’invincible Bolt

C'est l'homme de Rio. Usain Bolt a bouclé le dernier pan de son triptyque en emportant, comme à Pékin en 2008, comme à Londres en 2012, trois titres olympiques : sur 100 m, 200 m et relais 4 × 100 m. Il a couru moins vite qu'il y a quatre ans et huit ans, mais avec encore assez de marge sur ses adversaires pour n'avoir jamais été inquiété. «Je suis invincible», a-t-il dit. «J'espère que j'ai mis la barre suffisamment haute pour que personne ne puisse le refaire. J'ai prouvé que je suis le plus grand de ce sport. Pour moi, c'est mission accomplie.» Usain Bolt rejoint, avec cette 9médaille d'or olympique, le Finlandais Paavo Nurmi et l'Américain Carl Lewis. Bolt, 30 ans, n'ira pas à Tokyo en 2020. La dernière image de Bolt sur un stade olympique sera celle du Jamaïcain, plusieurs heures après sa médaille au relais samedi, qui est revenu dans un stade qui éteignait ses lumières, pour s'essayer nuitamment… au lancer du javelot.

Le dopage en toile de fond

La lanceuse d'alerte russe et coureuse du 800 m aux Championnats d'Europe d'athlétisme, en 2016.

La deuxième semaine des Jeux, Ioulia Stepanova, lanceuse d'alerte russe, a donné une vidéoconférence pour dire à quelques dizaines de journalistes qu'elle craignait de se faire dessouder. En 2014, elle et son mari (ancien directeur de l'agence antidopage russe) avaient balancé sur le système de triche en place dans leur pays (ils ont mouillé de grosses têtes proches de Vladimir Poutine), avant de se réfugier aux Etats-Unis, où des données personnelles de la coureuse de 800 m viennent tout juste d'être piratées. Drôles de Jeux, où des athlètes se sont mis à dénoncer la triche avec des journalistes - mention spéciale pour le Français Camille Lacourt, qui a évoqué ceux qui «pissent violet». Où des Russes et des athlètes avec un casier se sont faits huer copieusement, notamment au début de la compétition. Un climat de suspicion inhabituel, puisque d'ordinaire, c'est un peu «rêvons et gambergeons plus tard». Là, c'était plutôt «il serait stupide de croire qu'il n'y a que les Russes». Même si le profil type du dopé de ces jeux dessine plutôt le lumpen prolétariat du sport mondialisé : haltérophiles kirghize ou taïwanaise, canoéïste moldave… Trops pauvres pour ne pas passer au travers des mailles, alors que de l'avis général, l'organisation des contrôles antidopage a été particulièrement chaotique à Rio.

Pour le Brésil, le foot comme apogée

En décrochant l'or olympique, la Seleção, quintuple championne du monde, peut enfin ajouter à son palmarès la seule médaille de poids qui lui manquait. Emmenés par Neymar, les Auriverde ont vengé aussi le traumatisant 7-1 essuyé en demi-finale de «leur» Mondial, en 2014. L'autre Seleção, celle des filles, n'est arrivée que quatrième, mais sa popularité croissante permet d'espérer des jours meilleurs pour le foot féminin. Et le canoéiste Isaquias Queiroz (qui disputait trois épreuves en ligne) est devenu le premier athlète brésilien de l'histoire à remporter trois médailles (2 d'argent, 1 de bronze) dans les mêmes Jeux. Son statut de pays hôte était censé avantager le Brésil. Avec 19 médailles, dont 7 d'or, il a certes battu son record. Mais il n'est que 13e au classement, alors qu'il visait le Top 10, un objectif au nom duquel des entraîneurs étrangers parfois très renommés ont été engagés. Pour bien des Brésiliens, cependant, l'or en foot suffit pour faire de ces JO un succès.

Un public brésilien absent et… chauvin

On aura doublement, et de manière un peu schizophrène, parlé du public brésilien à Rio. D'abord pour déplorer qu'il n'ait pas répondu présent dans les tribunes. En raison du prix des places, des horaires calibrés pour la télévision, et du climat politique et économique du pays. Mais lorsque le public est venu - les fois où des Brésiliens concouraient, logique -, certains se sont mis à trouver qu'il faisait trop de bruit. Il y a eu le psychodrame de Renaud Lavillenie, dénonçant le «public de merde» qui l'avait sifflé. Il y a eu le désarroi des pongistes, plus habitués à entendre le ploc-ploc des balles que les huées féroces (quand il y avait un Brésilien de l'autre côté de la table) au moment de servir. Il y a eu le vacarme magnifique du Maracanã lors de la finale du foot entre le Brésil et l'Allemagne : 80 000 supporteurs, des sifflets à percer les tympans et des chants à faire pousser des poils aux imberbes. Les footballeurs allemands ont applaudi le stade après leur défaite. Et ils ont reçu une ovation en retour.

Satisfecit pour l’organisation

On nous promettait les Jeux les plus bordéliques de l’histoire. Rien du tout : transports nombreux et fluides, sites fin prêts (mention spéciale au parcours de slalom du canoë-kayak et au golf), conditions d’hébergement unanimement louées par les athlètes (qui mentionnent aussi la cuisine locale, à se demander ce qu’ils mangent chez eux)… Même les stars du golf, dont les standards de conforts sont pourtant élevés, ont savouré chaque minute passée au village olympique. Parce qu’ils ont compris qu’ils étaient venus à Rio pour le sport et que le reste était à la remorque. Seul bémol, mais d’importance : l’armée, déployée partout, tout le temps. Mais c’est un signe des temps.

La sécurité au rendez-vous

Les JO l'ont prouvé : «Rio est la ville dangereuse la plus sûre au monde», dixit un journaliste américain. 85 000 hommes ont été déployés sur place, du jamais-vu ici. Plus encore que le terrorisme, c'est la criminalité qui inquiétait. Or, selon une enquête, 88,4 % des touristes interrogés ont affirmé s'être sentis en sécurité. Mais si le braquage des nageurs américains était un mensonge, isoler le tournoi de la réalité carioca ne fut pas aisé. En témoigne la balle perdue qui a échoué dans la salle de presse du centre hippique de Deodoro, les tirs (des jets de pierre, selon la version officielle) contre un bus de journalistes ou encore la mort d'un soldat, tué en rentrant par erreur dans une favela aux mains des caïds. Et point de trêve olympique dans les bidonvilles, où police et gangs restent sur le pied de guerre.

Le moral carioca en hausse

Rien de tel que des JO pour remonter le moral d’un pays en crise. Mais gare à la gueule de bois, surtout à Rio, où l’on craint déjà le retour du chômage et de l’insécurité. Cette semaine, s’ouvre devant le Sénat brésilien le procès en destitution de la présidente, Dilma Rousseff (Parti des travailleurs), écartée du pouvoir car soupçonnée d’avoir maquillé les comptes publics. On aurait pu s’attendre à ce que la gauche profite de la visibilité des Jeux olympiques pour dénoncer un putsch. Mais hormis le maigre rassemblement du 5 août, dans le quartier de Copacabana, ainsi que les pancartes brandies ici et là dans les arènes - et au grand dam du Comité international olympique (CIO) -, il n’en fut rien. Faible mobilisation également pour dénoncer la destruction de l’environnement, l’expulsion de plus de 77 000 personnes au nom des travaux olympiques ou encore, les dépenses engagées alors que les services publics sont à l’agonie.

Les Jeux paralympiques menacés

Le président brésilien par intérim, Michel Temer, l’a assuré : les Jeux paralympiques auront bien lieu (du 7 au 18 septembre). Leur tenue était mise en danger par les difficultés financières du comité organisateur, qui souffre de la récession économique comme d’un manque de planification. Avec seulement 12 % des billets écoulés jusqu’ici, ses recettes ne lui permettent même pas de couvrir les frais de déplacement des délégations. L’Etat central et la mairie de Rio se sont engagés à débloquer 70 millions d’euros. En attendant, au moins une dizaine de délégations menacent de ne pas venir, n’ayant pas encore reçu de quoi payer leurs billets d’avion.