De l’invisibilité du sport
La scène s’est répété trois, cinq, huit fois. Un régal. Les basketteurs australiens se passent la balle sans fin devant la raquette serbe, les secondes courent… Soudain, alors qu’un Boomer reçoit une passe, il entend la sirène : 24 secondes sans shoot, possession aux Serbes. Le gars prend l’air ahuri. Milos Teodosic et consorts ont survolé leur demi-finale (95-80) de vendredi, les gars envoyaient des bisous à leurs copines dans les tribunes dès l’attaque du dernier quart-temps et on n’a rien vu, rien compris : l’art défensif du basket (couper les lignes de passe, glisser d’un adversaire à l’autre, serrer tel adversaire dans telle zone et pas dans telle autre) est si complexe qu’il échappe au béotien. On voit les effets – les bisous, l’air ahuri – mais pas la cause. Le sport est invisible. On en a fait les frais après les matchs, certains athlètes jugeant les questions hors de propos. Sans rancune.
Moment de Grasse
C'est une des images des jeux. En demi-finale du 200m, le jeune (21 ans) Canadien André de Grasse, triple médaillé (argent sur 200 m, bronze sur 100m et relais 4x100m) essaie d'aller chercher Usain Bolt dans la dernière ligne droite. Le voyant revenir à hauteur, Bolt commence à taper la discussion, sourire aux lèvres : «pourquoi tu vas si vite? C'est qu'une demi-finale!». La photo de cette camaraderie à 40 km/h est un hit des jeux, entre les Chariots de feu et les Feux de l'amour. L'image ravira les pontes de la Fédération internationale d'athlétisme et même de l'olympisme, heureux de voir poindre avec de Grasse une relève au joli sourire et au casier vierge dans un sprint décimé par le dopage. Cette superproduction est une joint-venture avec Puma, le sponsor historique de Bolt. Qui s'avère être celui de de Grasse depuis décembre dernier, à la faveur d'un contrat pluriannuel de 11 millions de dollars. Ceci, aussi, explique cela. C. M.
(Photo AFP)
Plot
Un après-midi, sur l'une des routes qui mène à la piscine olympique, des gamins pieds nus posent des sachets de confiseries sur les rétroviseurs des voitures. Le temps du feu rouge, l'automobiliste doit décider s'il ouvre sa fenêtre pour filer des sous ou si ça ne l'intéresse pas du tout. Dehors, il fait chaud. Et un feu rouge, ça va très vite. Alors les gosses font des allers-retours en cavalant. On a regardé ça d'un bus climatisé, celui dévolu aux gens accrédités ou possédant un ticket. A l'intérieur, ça sent bon, avec une proportion importante de gens dont on croirait qu'ils sortent d'un casting de série télévisée. Une nuit, sur l'une des routes qui ramène à notre appartement, un tunnel. Les voitures y passent comme des fusées, même notre taxi. A contresens, un homme à pied tire une charrette, avec on ne sait pas trop quoi dedans, tandis que les caisses l'évitent comme un plot. Il paraît qu'à côté de chez nous, les autorités ont viré tous les mendiants le temps des Jeux. R. K.
Dans un taxi de Rio pendant les Jeux. (Photo Reuters)