Avant les Jeux olympiques de Rio, la cycliste Pauline Ferrand-Prévôt, à peine 24 ans, avait déjà connu les sommets de son sport. Elle était devenue, après un triplé inédit aux championnats du monde (cyclisme sur route, VTT, cyclo-cross) en 2014-2015, la leader féminine incontestée de l’équipe de France. Certains lui voyaient un destin à la Jeannie Longo, voire multidoré à la Teddy Riner.
L'or, c'était le «rêve d'une vie», le seul qui lui restait encore à réaliser. Ce rêve est devenu une «angoisse», puis un «cauchemar», a-t-elle raconté dans un post touchant sur sa page Facebook publié dans la nuit de mercredi à jeudi. D'abord trop courte physiquepauliment sur route, terminant péniblement à la 26e place, elle abandonne à VTT deux semaines plus tard, alors qu'elle était championne de France en titre. A la sortie, elle ne s'était pas arrêtée devant les journalistes pour partager sa déception.
Elle revient donc quelques jours plus tard, avec ce texte en forme de confessions intimes, où elle emploie un style assez direct. Morceaux choisis : «Chaque entraînement est un calvaire», «mon corps est meurtri», «être championne du monde dans les trois disciplines en un an a peut-être été la pire chose qui me soit arrivée». Pauline Ferrand-Prévôt détaille ses galères, celles qu'elle traîne depuis l'hiver dernier : les arrêts dans sa préparation dus à des soucis de santé (fracture, allergies, sciatique…) et les «critiques» sur son changement de vie amoureuse (elle s'est séparée du triathlète Vincent Luis et s'est installée avec le vététiste Julien Absalon à Fréjus). Elle ne parle pas, en revanche, du retour de son ancien entraîneur.
Pour la première fois de sa carrière, PFP a passé l'hiver bloquée chez elle. Depuis, la jeune femme voulait croire que les choses allaient rentrer dans l'ordre, qu'elle allait monter en puissance jusqu'à Rio, ça avait toujours roulé de la sorte : «Je veux, donc je peux.» La jeune cycliste n'a cessé de se dire qu'«abandonner, c'est perdre». On pense à Yohann Diniz, le marcheur de l'extrême qui, à Rio, a perdu connaissance au bout d'un 50 km achevé malgré des douleurs gastriques et un malaise. Mais d'où vient, diantre, ce principe censément universel qui stipule qu'«abandonner, c'est perdre» ? Ironie de l'histoire, c'est comme si croire en cet adage avait mené PFP à sa perte. Justement, à ne pas vouloir se reposer comme son entraîneur le lui indiquait, elle s'est usée, jusqu'aux blessures. Aujourd'hui, Pauline Ferrand-Prévôt peine à se sortir de douleurs sciatiques, après avoir un peu tout essayé. A quelques semaines des Jeux, elle a rencontré un médecin à Besançon qui lui a injecté de l'acide botulique, autrement dit du botox. Mais il était déjà «trop tard», dit-elle.
Petite, Pauline Ferrand-Prévôt battait les garçons, puis à 12 ans, elle devançait les filles de 16 ans de l'équipe de France… Elle a toujours eu une formidable soif de victoires, et tant qu'elle était devant sur la ligne d'arrivée, la vie était belle. L'adulescente, volontariste bien qu'un peu corsetée dans son étiquette, a fini par craquer, ou grandir, c'est au choix : «Je termine ma saison sur un abandon. Je ne sais pas quand je remonterai sur un vélo», conclut-elle. Remise en question, burn-out ou maturation fulgurante ? Ferrand-Prévôt vit ce que bien d'autres sportifs ont vécu avant elle. La nageuse Laure Manaudou a pris sa retraite à 26 ans. Jeannie Longo, elle, a été poussée vers la retraite après ses 50 ans…
En mars, lorsqu'on rencontrait Pauline Ferrand-Prévôt, pour écrire son portrait en der de «Libé», on lui avait demandé en fin d'entretien, en marchant, un peu comme ça, pour voir, quels étaient sa principale qualité et son principal défaut. Réponses : «La persévérance et l'obstination.» Désormais, elle sait que la frontière est ténue.