En passant la ligne d'arrivée du marathon des JO de Rio, l'Ethiopien Feyisa Lilesa a utilisé ses dernières forces pour croiser ses poings au-dessus de sa tête afin de «dénoncer l'attitude du gouvernement à l'égard des Oromos» - groupe ethnique dont il est issu -, expliquera-t-il plus tard. «Si vous parlez de démocratie, ils vous tuent. Si je retourne en Ethiopie, peut-être qu'ils vont me tuer, ou me mettre en prison.» Depuis, ce père de deux enfants, restés en Ethiopie avec sa femme, a décidé de ne pas quitter le Brésil.
Malgré les assurances des autorités éthiopiennes, relayées par la radio d'Etat Fana, sur la nature de l'accueil qui lui serait réservé «au même titre que les autres membres de l'équipe olympique éthiopienne», Feyisa Lilesa n'a pas pris l'avion du retour avec ses camarades. A l'arrivée de la délégation olympique à Addis-Abeba, le 22 août, les responsables sportifs du pays ont félicité les membres de l'équipe, sans citer la médaille d'argent du protestataire.
Bien qu'il le décrive comme «discret», son agent, Federico Rosa, n'est pas étonné de le voir prendre position publiquement. «Feyisa est une personne droite et déterminée dans tous ses choix de vie, il sait ce qu'il fait», indique-t-il à Libération. Depuis novembre, l'ONG Human Rights Watch a recensé plus de 400 morts et des dizaines de milliers d'arrestations en Ethiopie. «J'ai des proches en prison au pays», a confié l'athlète. Selon plusieurs médias, Feyisa Lilesa aurait effectué une demande d'asile aux Etats-Unis, ce que le département d'Etat américain n'a pas confirmé. De nombreuses personnes ont contribué à une campagne de crowdfunding pour financer d'éventuelles démarches. L'objectif de 10 000 dollars (8 850 euros) a été dépassé dès le premier jour.