Menu
Libération
Avant-match

Pogba, Evra, les tibias : ce qu'il faut savoir de Biélorussie-France

Deux mois après un Euro euphorisant, les Bleus redescendent à la soute à Barisov, en Biélorussie, dans le cadre des éliminatoires du Mondial 2018. Un exercice traditionnellement périlleux.
Anthony Martial, Kevin Gameiro et Antoine Griezmann à l'entraînement à Clairefontaine le 29 août. (Photo Franck Fife. AFP)
publié le 6 septembre 2016 à 12h55
(mis à jour le 6 septembre 2016 à 17h23)

L’équipe de France est vice-championne d’Europe. C’est bien, mais ça n’augure en rien de ce qui passera pendant les éliminatoires de la Coupe du monde 2018. Car c’est un tout autre monde, avec parfois des matchs sales, contre des équipes qui ne pensent qu’à jouer de vilains tours. Depuis 2014, les Bleus vivaient dans un certain confort : des matchs qui comptaient pour du beurre jusqu’à l’Euro 2016 (avec le luxe de pouvoir se gourer et corriger); puis un championnat d’Europe à domicile, avec certes de la pression, mais aussi plein d’avantages. Là, tout est différent – le retour de la routine. Avant le Biélorussie-France de mardi soir, on vous dit ce qu’il faut savoir.

L'adversaire. Sur le papier, pas le pire des plans (ça ne signifie pas que ce sera facile). Il y a eu quelques contre-performances par le passé face à la Biélorussie (dont une défaite au Stade de France 1-0 en 2010 et un 1-1 en 2011 à Minsk), mais les Bleus étaient moins bien armés qu'aujourd'hui, individuellement et collectivement. On parle d'un adversaire en galère de talents bruts (ça ne veut pas dire qu'ils sont tous mauvais), qui comme d'autres cas, va opter pour le plan le plus sûr : mettre de ce qu'il faut d'impact physique et surtout attendre bien tranquillement, sans jamais se précipiter. Parfois ça marche, d'autant que l'équipe de France a du mal à prendre le jeu à son compte. Les Biélorusses se sont ratés aux éliminatoires de la Coupe du monde 2014 (derniers de leur poule), un poil moins à ceux de l'Euro 2016 (quatrièmes sur six, devant la Macédoine et le Luxembourg). L'enjeu pour les hommes de Didier Deschamps : ne pas se laisser endormir, dans une ambiance très bizarre et un stade relativement flippant.

Les certitudes. Hugo Lloris a réalisé un excellent Euro, même si ça ne se voit pas toujours (peut-être le côté effacé et tout lisse). Blessé, il sera remplacé cette fois-ci par Steve Mandanda, qui est bien plus qu'une doublure (sauf si l'ex-Marseillais s'enterre à Crystal Palace). Laurent Koscielny a gagné en régularité et n'a plus d'absences étranges et inexpliquées – il est bon à Arsenal, où il est un des tout meilleurs défenseurs en Angleterre. Paul Pogba et Antoine Griezmann, même lorsqu'ils ne sont pas en pleine forme, ont le talent pour faire la différence sur un mouvement, une passe ou un but. Ça fait une mini-colonne vertébrale et en football, c'est déjà beaucoup. Pour le reste, il y a des questions plus ou moins poussées, même pour Raphaël Varane, le défenseur du Real Madrid (absent à l'Euro), qui tarde (vraiment) à confirmer son statut de génie. Même pour Dimitri Payet (héros momentané à l'Euro, qui doit confirmer), Blaise Matuidi (sous la menace de sauter au profit de N'Golo Kanté) ou encore Olivier Giroud (intelligent et précieux, mais pas irremplaçable).

La composition. Des histoires de combinaisons : 4-3-3 (le schéma préféré de «La Dèche», qui mettrait Antoine Griezmann sur un côté, Paul Pogba dans un rôle plus offensif et Moussa Sissoko sur le banc) ou le 4-2-3-1 (le système de la fin de l'Euro, avec «Grizou» dans l'axe en soutien d'Olivier Giroud et Pogba plus reculé). Quelque part, des choix de riches : ça fait longtemps que l'équipe de France n'a pas eu un groupe aussi fort intrinsèquement (sans compter les absents). Dans tous les cas, rien n'est figé. Et puis, c'est l'ambiance rentrée des classes, où on fait confiance à ceux qui ont fait le job avant les vacances. A la longue, il y aura moins de débats – du moins pas sous cette forme –, puisque c'est l'état de forme des uns et des autres au fil de la saison qui déterminera le système.

Paul Pogba. On lit ici et là que c'est son heure. Qu'il doit confirmer ses qualités hors norme et prendre le leadership. Certes. Néanmoins, le déclic a de fortes chances d'arriver quand Pogba sera plus régulier en club. Antoine Griezmann a été exceptionnel à l'Euro, d'abord parce qu'il l'a été avec l'Atletico Madrid. Parti pris : le championnat d'Europe de Pogba, qui a fini dans une position plus reculée au milieu de terrain, n'a pas été si décevant. D'ailleurs, il faudrait se demander si ce n'est pas l'endroit où il est le plus efficace – par séquences, il a même été excellent dans la récupération et l'utilisation du ballon. Plus largement, ce n'est pas parce que le milieu de terrain de Manchester United clame qu'il veut être Ballon d'or qu'il faut le regarder comme tel. Tout comme il ne faut surtout pas mettre le prix de son transfert cet été (105 millions d'euros, sans les bonus) dans la balance pour juger ses performances : ce n'est pas lui qui l'a fixé.

Les latéraux. Patrice Evra (34 ans), l'ancien capitaine de l'équipe de France est carbonisé. En prévision de 2018, Didier Deschamps n'a pas le choix. Pour le moment, c'est Layvin Kurzawa (24 ans), qui fait un bon début de saison au PSG, qui a la main sur le côté gauche. A droite, Bakary Sagna (33 ans), titulaire à l'Euro, a été correct, mais il n'a jamais été transcendant. Contre l'Italie en amical jeudi dernier (victoire 3-1), Didier Deschamps a installé Djibril Sidibé (24 ans, Monaco) à sa place, une valeur sûre de Ligue 1 depuis au moins trois ans. Des novices donc, mais il faudra s'habituer aux essais à ces deux postes-là, dans lesquels les Bleus sont le moins pourvus.

Le fantôme. Didier Deschamps a choisi de se passer des services de Karim Benzema, sélectionnable mais qui traîne encore la casserole de la sextape et dit-on, de sa sortie médiatique après sa non-convocation pour l'Euro (le passage sur la pression d'une frange raciste sur le sélectionneur). La Dèche est fâché et dit que ce n'est pas encore le moment de le rappeler. De fait, il est en face d'un sérieux problème, qu'on ne règle pas en boudant de manière indéterminée : Benzema, qui n'a pas émis le souhait de prendre sa retraite internationale, pète la forme. Il est l'un des meilleurs attaquants au monde, qui depuis son arrivée au Real Madrid en 2009 a gagné la confiance de Manuel Pellegrini, José Mourinho, Carlo Ancelotti et Zinédine Zidane, à un poste où le seuil de tolérance est très faible. Qui vient de remporter la Ligue des champions, après une saison à 24 buts en championnats et 4 en Coupe d'Europe et qui techniquement, n'est pas incompatible avec Antoine Griezmann. Les éliminatoires, c'est long. Le «il n'a jamais brillé en bleu» est relatif : en football, il n'y a pas de fatalité (sauf pour les plus nuls). Scénario idéal en l'état pour la FFF : l'équipe de France survole les qualifications sans Benzema et le staff décide que c'est finalement mieux sans lui. En douceur.

Avertissement. Si le match est pourri, avec quelques actions du tibia, tout est normal. Les qualifications, hormis des jolis chocs ou l'obstination de puristes de l'esthétisme (l'Espagne, souvent), sont un combat. On devient beau gosse en se qualifiant. C'est d'autant plus vrai que Didier Deschamps est un vrai pragmatique. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'une équipe ne joue pas un bon football durant des éliminatoires qu'elle est intrinsèquement mauvaise et que tout est à jeter.