Les Bleus sont revenus de Borisov avec un 0-0 qui ne fait jamais plaisir quand l’objectif est de se qualifier directement à une Coupe du monde - et d’éviter les barrages, terrain miné. Peut-être bien que c’est décevant. Qu’il y a urgence à ce que l’équipe de France apprenne à faire intelligemment le jeu, plutôt que de miser gros sur les contre-attaques et les erreurs des autres. Ou bien c’est juste la rentrée. La remise en route après deux ans plutôt pépères (matches amicaux et Euro à domicile) et le retour à la réalité des gros bourbiers, où l’équipe en face se prépare systématiquement à saboter et à patienter. Le match était soporifique ? Le football est aussi fait de routine. Voilà ce qu’on a retenu de Bielorussie-France.
Précarité. Didier Deschamps a finalement opté pour un 4-2-3-1, avec Moussa Sissoko mais sans Blaise Matuidi, dont le statut a changé : en quelques mois, il est passé de l'increvable, capable de s'imposer dans l'un des meilleurs entrejeu du monde (celui du Paris Saint-Germain) à celui d'increvable sans plus - une sorte de coureur de demi-fond, pas tout à fait footeux. Non pas qu'il soit irremplaçable - ni en pleine forme (sa place de titulaire est fortement menacée à Paris) - mais il fait partie de cette caste des joueurs qu'on peut faire sauter vite fait du terrain, sans trop avoir à se justifier. Qu'on félicite pour leurs excellentes performances à un moment donné, en se disant dans un coin de sa tête qu'il est simplement là pour dépanner. Alors, ils n'ont pas le droit au moindre coup de mou, sous peine de se faire larguer direct. Il y a du monde dans cette catégorie : Dimitri Payet, par exemple, ex-héros du début de l'Euro pas titulaire à Borisov et bien évidemment, Olivier Giroud (qui s'accomode de son statut de mal-aimé). Des chouchous précaires. Côté Biélorusse, il y avait un dénommé Polyakov en défense et des maillots dégueulasses, avec une sorte d'écharpe du marché au milieu. Une aubaine pour Twitter, donc.
Ennui. Les éliminatoires, c'est l'usine. Tu y vas, point, même si tu traines des pieds. Du coup, ce n'est pas toujours esthétique. Ajoutez à cela le pragmatisme de Didier Deschamps : la solidité et l'efficacité d'abord et la beauté après - mais seulement s'il y a moyen. Que retenir de ce match ? Que les Bleus n'ont encore une fois joué qu'une seule mi-temps (une grosse vingtaine de minutes dans la seconde, après avoir manqué d'encaisser un but en première sur corner). Que Laurent Koscielny est vraiment costaud et que Raphaël Varane a réussi sa rentrée (on attend de voir ce que ça donnera contre plus fort). Que N'Golo Kanté est un drôle de joueur, avec une capacité d'anticipation encore plus impressionnante que son utilisation du ballon - Matuidi doit sévèrement gamberger. Que l'attaque n'a pas fait du bon boulot (0-0, en dépit de 24 tirs). Dans le rôle du plus maladroit devant le but, Olivier Giroud, qui en 2e mi-temps, a touché la transversale et surtout, frappé à côté sur une passe magistrale d'Antoine Griezmann.
#BIEFRA
— Téléfoot (@telefoot_TF1) September 6, 2016
Enorme raté d'Olivier Giroud qui reprend le ballon après une passe magique de Griezmann ! https://t.co/xUMwTaDvsj
A prévoir donc demain et après-demain, le retour des marottes :
- Giroud, attaquant limité ? (sous-titre : on n'ira nulle part avec lui)
- Pogba, talent surcoté ? (ou «crack ou belle arnaque ?»)
- Y-a-t-il un leader dans cette équipe ? (philosophie)
Avec un bonus inédit :
«A-t-on vu les Bleus trop beaux à l’Euro ?» (mea-culpa)
Le saboteur. Il s'appelle Andrey Alyaksandravich Gorbunov, le gardien biélorusse (il y a d'autres orthographes possibles). Comme on était en galère de billes sur lui, on a tenté d'utiliser Google pour traduire des tweets et des textes en biélorusse (l'investigation, toujours). En vain, c'était trop général, en mode «c'est un monstre». Au final, sa biographie dit à peu près tout : 33 ans, gardien à Artomitos en Grèce, 7e du dernier championnat, avec une fiche vierge sur la base de données de l'Equipe, comme s'il l'avait lui même créee. Anthony Le Tallec, son coéquipier français, a (un peu) complété, en précisant sur Twitter qu'il était titulaire cette saison (et fort, quoi qu'il n'allait pas le traiter de nullard). L'archétype de l'inconnu-saboteur, qui permet à son équipe de prendre un point (le plan a fonctionné) et dont on reparlera dans la rubrique «tournants» si d'aventure, les Bleus se faisaient sortir.
Les rêves des #bleus ce soir seront remplis des arrêts de ce monsieur au nom aussi compliqué #Gorbunov #BIEFRA pic.twitter.com/ixPijS14I0
— Deo Gracias Mouss@ (@modegra) September 6, 2016
Initiation. Tout est relatif, certes : mais sur les onze joueurs qui ont débuté, cinq n'avaient jamais disputé un match de qualification (Griezmann, Martial, Kurzawa, Sidibé, Kanté) pour une compétition internationale. L'optimiste dirait qu'ils devaient passer par là pour comprendre et s'imprégner de ces rencontres paradoxales - l'obligation d'être patient, sans trop non plus laisser traîner. Qu'il faut aussi pouvoir digérer l'Euro aussi. La déception de la défaite et donc, le décalage avec les nouveaux objectifs. Mardi soir, le Portugal, tenant du titre, s'est ainsi incliné en Suisse (2-0).
Futur. Il faudra voir ce que ramèneront les principaux adversaires de l'équipe de France (Suède et Pays-Bas, qui ont fait 1-1 mardi soir) de Biélorussie. Ce que deviendra ce onze type de la fin d'Euro au fil de la saison, qu'il ne faut pas décortiquer outre-mesure tant il peut s'adapter. D'une part, Didier Deschamps a un large choix un peu partout (notamment devant) et surtout, les Bleus n'affronteront pas dix fois la Biélorussie. Autrement dit, il y a différentes sortes de bourbiers, dont certains vont un peu mieux convenir aux Bleus. D'ailleurs, les Pays-Bas - à ne surtout pas sous-estimer - ne vont pas mettre des cadenas partout et la Suède nourrit l'espoir de se qualifier, plus que de saboter. Un mini-championnat quoi. Toujours est-il qu'il n'y a rien de fondamentalement nouveau : dans le fond, les Bleus n'ont pas changé par rapport à cet été. Les mêmes qualités et les mêmes lacunes.