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Libération

Bradley Wiggins : quand c’est trop, c’est corticos

publié le 7 octobre 2016 à 20h31

Les corticoïdes, un poison à long terme pour la santé humaine et pour la crédibilité du sport. Les révélations se poursuivent sur les pratiques médicales douteuses de certains champions, trois semaines après le hacking de la base de données de l’Agence mondiale antidopage (AMA) montrant qu’une centaine d’athlètes ayant participé aux Jeux olympiques de Rio, toutes disciplines confondues, ont bénéficié des fameuses autorisations d’usage à des fins thérapeutiques (AUT). Celles-ci permettent de prendre en toute légalité des traitements aux effets pourtant dopants : les corticoïdes. C’est la zone grise de la médecine du sport, qui comprend de «vrais» malades, des asthmatiques par exemple, et aussi probablement des «faux».

Puzzle. Vainqueur du Tour de France 2012, Bradley Wiggins est l'un de ces sportifs dont les AUT ont été divulguées sur Internet le 13 septembre, après le piratage des données de l'AMA par les «Fancy Bears», des hackers que certains pensent proches du Kremlin. Le Britannique le plus titré de l'histoire des Jeux (huit médailles, dont cinq en or), qui a pris sa retraite après Rio, à 36 ans, s'est défendu en prétextant que ces ordonnances étaient destinées à soigner des allergies. Mais le coureur et ses ex-employeurs du Team Sky font face à d'autres interrogations.

Une nouvelle pièce du puzzle a été apportée par le  Daily Mail jeudi soir. Le quotidien anglais dévoile que l'agence antidopage britannique (UKA) a ouvert une enquête à propos d'un mystérieux médicament qu'aurait reçu Wiggins le 12 juin 2011 à La Toussuire (Savoie), au terme de la dernière étape du Critérium du Dauphiné, à trois semaines du Tour de France. Le produit, dont la nature n'a pas été précisée, aurait été expédié depuis le Royaume-Uni via la Suisse, convoyé par un entraîneur de la fédération britannique, et il aurait été administré le jour même au coureur par le docteur Richard Freeman, médecin du staff, à l'intérieur du bus de Sky. Rapide, efficace, discret.

Vidéo. La fédération a reconnu qu'un de ses employés avait fait le déplacement, sans en dire davantage. Quant au Team Sky, il nie toute consultation médicale dans le bus, celui-ci étant supposé avoir quitté la course après l'étape. Problème : une vidéo montre qu'il y avait bien un autocar Sky sur l'aire d'arrivée du Dauphiné, et que Wiggins se trouvait à proximité. Autre fait pointé par le Daily Mail, l'homme qui a transporté le produit était censé rencontrer ce jour-là une athlète féminine, Emma Pooley, alors que celle-ci séjournait non pas à La Toussuire, mais en Espagne.

Le Team Sky et la fédération britannique ont-ils sciemment maquillé les faits ou se sont-ils trompés de bonne foi sur le déroulé des événements ? L'ancien médecin de Wiggins, le docteur Prentice Steffen, se déclare troublé à la BBC : «C'est une sacrée coïncidence qu'une grosse dose de corticoïdes, administrée par voie intramusculaire et possédant des effets sur le long terme, soit requise… pile avant la course la plus importante de la saison.»

Cette «affaire Wiggins» dépasse en réalité le cas de la star britannique et interroge sur la santé insolente du sport dans ce pays, très brillant aux JO depuis 2008, dans toutes les disciplines, en particulier le cyclisme. L'équipe Sky est régulièrement accusée de pratiques illicites ou immorales depuis qu'elle a construit son hégémonie en 2011. La formation britannique affirme que sa supériorité dans le cyclisme provient des  «gains marginaux» sur l'entraînement, l'alimentation, le matériel… Peut-être aussi des gains à la marge de la légalité ?