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Formule 1

Nico Rosberg, champion de F1: de l'importance d'être constant

L'Allemand, qui a terminé deuxième ce dimanche du Grand Prix d'Abou Dhabi, a profité des nombreux ennuis mécaniques de Lewis Hamilton au cours de la saison.
Nico Rosberg au Grand Prix d'Abou Dhabi, le 27 novembre 2016. (Photo Andrej Isakovic. AFP)
publié le 27 novembre 2016 à 16h01

Enfin, premier de la classe! Battu lors de la dernière course en 2014, et à plate couture avant la fin du championnat en 2015, par son camarade et équipier chez Mercedes, Lewis Hamilton, l'Allemand Nico Rosberg, 31 ans, a fini par le remporter, ce titre mondial. En laissant toutefois une impression mitigée après avoir subi la loi de l'Anglais au cours des quatre dernières courses, lequel n'a pas été épargné par les soucis techniques cette saison. A Abou Dhabi ce dimanche, Hamilton a devancé dans un finale épique Rosberg, Vettel et Verstappen. Insuffisant pour renverser la vapeur. L'Allemand, arrivé avec 12 points d'avance, en conserve cinq.

Les Rosberg constituent désormais la seconde dynastie de champions du monde de Formule 1 après les Hill (Graham, en 1962 et 1968; et Damon, en 1992). Le grand-père paternel de Nico Rosberg (né de père finlandais et de mère allemande), officiait déjà en karting et sa grand-mère finlandaise s’alignait dans des rallyes.

Keke Rosberg, père de Nico, fut un des grands animateurs de la F1 dans les années 80: célèbre pour sa moustache et ses lunettes de soleil, le pilote Williams devint champion du monde en 1982 avec une seule victoire – inutile au demeurant, il aurait été champion du monde sans ça – et en bénéficiant de circonstances tragiques, à savoir le très grave accident du Français Didier Pironi (alors nettement en tête du championnat sur sa Ferrari) et le décès du Canadien Gilles Villeneuve, l’autre pilote Ferrari. Keke Rosberg termina sa carrière un peu piteusement, chez McLaren en 1986, complètement dominé par Alain Prost.

Déjà camarades de jeu

Fils bien né (la fortune et l’entregent paternel lui assurant un parcours en sport mécanique dans le confort matériel à l’inverse d’Hamilton, dont le père dut trimer pour financer les débuts de carrière de son fils), Nico Rosberg, natif de Wiesbaden (Allemagne), a grandi à Monaco et s’est mis au karting très tôt dans le sud de la France, où il s’est immédiatement révélé brillant. Une discipline où il a déjà Lewis Hamilton comme camarade de jeu. Passé à la monoplace, Rosberg grimpa de Formula BMW en Formule 3 puis en GP2, championnat qu’il remporta dès sa première participation en 2005. L’Anglais s’imposa l’année suivante.

L’Allemand est ainsi arrivé en F1 en 2006 chez Williams alors qu’Hamilton débarque chez McLaren un an plus tard. Après quatre saisons solides chez Sir Frank, l’espoir allemand a ensuite migré chez Mercedes, où il s’est fait remarquer en dominant entre 2010 et 2012 Michael Schumacher, certes bien moins performant que du temps de se splendeur. En 2012, l’ami Hamilton l’a rejoint chez Mercedes, pour quatre années d’une rivalité devenue froide.

Rosberg, c’est un physique de dieu grec et une image un peu lisse, un homme à la fois mesuré et propre sur lui. Loin du côté bling-bling et rappeur du fantasque Hamilton, l’homme qui a récemment fait congeler le sperme d’un de ses bouledogues devant se faire castrer pour raison médicale…

«Rester calme»

Assez naturel dans sa communication, l'Allemand n'est pas du genre à manipuler ou à donner le change. Il ne masque pas, par exemple, son manque de sérénité quant à l'issue du Grand Prix du Japon le 9 octobre et, alors qu'il ne compte pas moins de 33 points d'avance, il déclare devoir «rester calme», exactement la même expression que celle employée par le Britannique en Chine en avril alors que celui-ci comptait 36 points… de retard sur Rosberg.

Malgré ces quelques scories, Rosberg a franchi un cap cette saison. Niki Lauda, «président non-exécutif» de Mercedes, déclarait ainsi en octobre: «Nico récolte les fruits du travail parfait qu'il accomplit depuis le début de la saison. Il a su apprendre de ses échecs passés.» Précédant le titre, les statistiques ont attesté de cette progression.

De 2014 à 2016, le match des victoires en course, s’il est resté à l’avantage d’Hamilton, est ainsi passé de 11-5 à 10-6 puis 10-9 cette saison. Concernant les meilleurs tours en course, en 2015 et 2016, le score a évolué de 9-4 en faveur du Britannique à 6-3 pour l’Allemand. Enfin, en 2015, sur les 19 Grand Prix, le meilleur tour du triple champion du monde à chaque course a été meilleur à onze reprises que celui de son équipier (contre huit donc). Alors que cette saison, ils sont à égalité : ­chacun a réalisé dix fois un meilleur tour que son ­équipier.

Les statistiques disent cependant autre chose: en 2016, l'Anglais aura été victime de moult ennuis techniques qui lui ont coûté des pelletées de points. Et, assurément, le titre. Du problème d'ERS (système de récupération d'énergie) qui l'a fait partir en fond de grille en Chine ou en Russie jusqu'au moteur qui l'a lâché en Malaisie alors qu'il menait largement, le Britannique n'a pas été épargné. Ce qui l'a progressivement conduit à évoquer une sorte de théorie du complot, «quelque chose ou quelqu'un» ne voulant pas qu'il gagne, sur fond de tension exacerbée entre deux pilotes qui se sont accrochés en course en Espagne (les deux hors course) et en Autriche.

La chance du champion

Sur les réseaux sociaux et forums, nombre de fans ne se privent d'ailleurs pas de reprendre une telle théorie, même si l'on peine à comprendre l'intérêt qu'aurait Mercedes à défavoriser un pilote déjà sacré à trois reprises. Pragmatique, Alain Prost statuait en octobre après le GP du Japon : «Rosberg bénéficie jusqu'à présent de la chance du champion. Mais il en faut toujours un peu.»

A Suzuka, Hamilton avait été victime, pour la troisième fois de la saison après Melbourne et Monza, d'une autre malédiction : les départs ratés depuis la première ligne, un problème qui semble avoir été résolu, après que ses ingénieurs ont modifié son volant et la configuration des palettes utilisées lors du départ, dont le fonctionnement diffère des années précédentes par volonté du pouvoir sportif. Toujours au Japon, Toto Wolff, patron de l'équipe Mercedes, avait déclaré de façon prémonitoire : «Hamilton est très solide et a besoin d'ennemis. Il n'est jamais aussi fort que lorsqu'il est sous pression et qu'il a une cible. Je reste persuadé que ça va être une lutte intense dont la conclusion se jouera à Abou Dhabi.»

Helmut Marko, responsable de la filière jeunes de Red Bull et à ce titre découvreur de Sebastian Vettel ou encore Daniel Ricciardo, avait donné son avis à Libération en août : «Hamilton est un pilote plus agressif, un pilote plus naturel. Rosberg est plus technique. Mais quand il s'agit de vitesse pure, c'est Hamilton.» Manière de dire que champion du monde ou pas, Rosberg doit encore un peu convaincre.

Affaire à suivre en 2017 ou les changements de règlement technique (ailerons différents, pneus et monoplaces plus larges) pourraient rebattre les cartes, avec des temps au tour attendus de cinq secondes plus rapides, un véritable défi physique pour les pilotes. Après la guerre des nerfs, la guerre des muscles ?