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Golf: l'Open de France s'en remet aux Chinois

En prenant pour sponsor HNA, géant de l'immobilier, du tourisme ou des assurances, le tournoi va changer de dimension.
Vue aérienne du Golf National de Saint-Quentin-en-Yvelines, près de Paris, le 3 juillet 2011 (Photo FRANCK FIFE. AFP)
publié le 9 janvier 2017 à 18h47

Curieux décors pour une annonce sportive, qui plus est destinée à faire changer de braquet (d’après les intéressés) le golf hexagonal tout entier: parures dorées, lustre grand luxe, tapisseries anciennes… mais oui, nous étions bien au 37 quai d’Orsay, siège du ministère des Affaires étrangères, dans une pièce contiguë au salon de l’Horloge où Robert Schuman, le 9 mai 1950, a fait une déclaration considérée depuis comme le texte fondateur de la construction européenne.

Le casting était de fait international : Jean-Lou Charon, président de la fédération française de golf (FFG), Keith Pelley, directeur exécutif australien de l'European tour ainsi que Chen Wenli, vice-président chinois du conglomérat HNA, opérateur du transport aérien et du monde du voyage. Va donc pour un cadre «symbole de la nécessaire ouverture au monde […] pour le développement national de notre discipline», selon Charon. Venu promouvoir une opération permettant à l'Open de France, désormais HNA Open de France, de basculer dans une «dimension inégalée».

Si elle est inégalée, cette dimension demeure quantifiable : 7 millions de dollars de prize money (contre 3,5 jusqu'ici) par tournoi sur cinq ans. Une dotation qui permet de bénéficier du label Rolex Series, dont l'Open de France devient désormais le huitième tournoi. Du point de vue du golf français, l'affaire tombe bien à 626 jours de la Ryder Cup 2018 qui aura lieu dans l'hexagone et où près de 70 000 personnes seront attendues.

Mais que viennent faire les Chinois ? De l'image. HNA acquis voilà trois mois huit terrains aux Etats-Unis, dans la région de Seattle pour 137,5 millions de dollars. Joint par Libération, Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) explique ceci : «Pour les Chinois, l'objectif est double. D'une part, cela leur permet l'acquisition d'un savoir-faire, d'une expertise qu'ils pourront rapporter dans leur pays. Il y a une nouvelle classe moyenne en Chine et elle cherche à se divertir. Les investissements des entreprises privées chinoise sont donc orientés dans ce secteur car il réunit tout un écosystème : hôtel de luxe, boutiques, restaurant haut de gamme… D'autre part, les Chinois achètent une marque.» Le golf inspire des sentiments variés aux Chinois. Prisé des riches, mais craint pour la corruption qu'il entraînerait, il vient tout juste d'être réhabilité par le PCC…

L'Open de France donc, plus de 100 ans d'âge puisque la première édition s'est tenue en 1906. Non loin de Paris, «ville lumière et romantique» selon Chen Wenli, le vice-président du groupe HNA. Ce qui renvoie au cadre, à l'hôtel du ministère des Affaires étrangères et au plateau d'argent sur lesquels étaient servis les cocktails. Les présents se sont terminés au champagne. Ça n'a pas ému les quatre golfeurs conviés: Padraig Harrington (144e mondial), Matthew Fitzpatrick (29), Alexander Lévy (102) et Shane Lowry (44) sont restés stoïques sous les ors de la République. Harrington a tout de même eu le temps de dire que «la crédibilité du tournoi était augmentée». Au prorata du prize money.

Antoine Lebreton