Terminé, les miss sur le podium. Le Tour Down Under, l’épreuve de reprise de la saison cycliste, qui se déroule jusqu’à dimanche dans le sud de l'Australie, a été contraint de rompre avec la tradition, en ne faisant plus appel à de jeunes femmes pour remettre le bouquet au vainqueur chaque soir, sur le podium. A la place, les organisateurs emploient des adolescents de 17-18 ans, eux-mêmes coureurs cyclistes.
Cette décision, une première sur une épreuve de ce niveau (première division mondiale), a été imposée début décembre par l'Etat d'Australie méridionale. Le gouvernement avait déjà exigé en mars 2016 la suppression des «grid girls», ces hôtesses employées par les marques automobiles, sur le circuit Adelaid 500. «Ce que nous voulons, c'est donner envie aux jeunes filles et aux adolescentes qui viennent voir les courses automobiles, de devenir pilotes, mécaniciennes ou ingénieures», avait alors expliqué le travailliste Leon Bignell, ministre des Sports d'Australie méridionale.
Des gays pour remplacer les miss ?
Le cyclisme et le sport automobile sont les principales disciplines à recourir à des miss pour les cérémonies protocolaires, de même que la plupart des sports américains. Cette tradition fait régulièrement l’objet d’accusations de «sexisme», à tel point que la Gauche verte, parti politique néerlandais, a proposé une idée radicale en 2010 lorsque le Tour d’Italie 2010 a visité les Pays-Bas: l’abrogation des miss et leur remplacement par des hommes gays. L’organisation de l’épreuve a fermement refusé.
En 2013, le coureur slovaque Peter Sagan a relancé la polémique à sa manière, en touchant ostensiblement les fesses d'une miss à l'arrivée de Gand-Wevelgem. Deux ans plus tard, une autre compétition belge, le Grand Prix E3, a exploité l'incident dans une de ses affiches promotionnelles, montrant une main tendue vers un postérieur de miss.
La controverse de 2016? Les hôtesses d’une manche de la Coupe de Belgique féminine disputée entre Anvers et Nijlen : ces mannequins employés par une entreprise de strip-tease s’exhibaient dans un simple maillot deux-pièces, suscitant la colère des athlètes participantes.
«Les femmes traitées comme des objets»
Au Tour Down Under, la fin des miss est critiquée par certains coureurs tels Koen De Kort, de l'équipe Trek-Segafredo. «Maintenant, nous avons des coureurs juniors pour nous remettre les maillots [distinctifs], c'est ridicule, regrette le Néerlandais auprès du site VeloNews. Je peux deviner les idées politiques qu'il y a derrière. C'est un peu bizarre et je ne comprends pas vraiment cela.» De Kort, qui a rencontré sa future femme précisément sur le podium du Tour Down Under, estime que les miss «ne sont pas seulement là pour faire joli, elles sont aussi là pour accueillir les invités».
Au contraire, la disparition des femmes sur le podium de l'épreuve australienne est saluée par l'Espagnol Mikel Landa (Team Sky). «Les miss qui remettent les trophées sont une vieille tradition, a-t-il déclaré au journal El Correo. C'est comme si on traitait les femmes comme des objets et si on les dégradait.»
En Belgique, pays passionné de cyclisme, l'affaire du Tour Down Under a été commentée par la ministre de l'Egalité des chances. «C'est un stéréotype total : une femme soumise qui récompense un homme après une journée de dur travail, estime Elke Sleurs (N-VA, parti de droite dure) dans le Nieuwsblad. C'est complètement dépassé. Je ne suis pas contre la cérémonie du podium elle-même. Mais porter une mini-jupe, des hauts talons et du rouge à lèvre, pourquoi est-ce nécessaire ?» La ministre belge estime toutefois que «le changement d'attitude doit venir du sport lui-même» et non d'une intervention politique.
Les mannequins hommes «ne valent pas beaucoup mieux»
Alors que le protocole avec miss sera reconduit sur quasiment toutes les épreuves cette saison, en particulier sur le Tour de France en juillet, certaines compétitions féminines ont pris l'option contraire, comme le Tour de Norvège, Gand-Wevelgem Féminin (Belgique) ou La Course (en France). Mais les trophées seront toujours remis par des mannequins, cette fois des hommes. Ce que dénonce la journaliste néerlandaise Anne-Marije Rook sur le site CyclingTips : «Les garçons sur le podium ne valent pas mieux que les filles sur le podium. […] La chosification est la même, quel que soit le genre. On utilise toujours des êtres humains comme des objets décoratifs. Pour moi, la présence de mannequins hommes sur une épreuve féminine n'est pas un geste inclusif. Tout au plus, cela apaise [le sentiment d'exclusion des] femmes et, pire encore, cela renforce l'hétéronormativité.»