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Egypte: Essam El-Hadary, une antiquité en guise de dernier rempart

Qualifié pour la finale de la Coupe d'Afrique des nations, le gardien égyptien est devenu à 44 ans le joueur le plus vieux à disputer la compétition. Histoire d'une légende.
Essam El-Hadary lors de la finale de la coupe d'Afrique des Nations 2008, remportée 1-0 contre le Cameroun en 2008 (Photo Presse Sports)
publié le 1er février 2017 à 8h39

Le moment est historique. L'Egypte joue son premier match de la Coupe d'Afrique des nations face au Mali, le mardi 17 janvier, lorsqu'à la 25e minute, le gardien des Pharaons, Ahmed El-Shenawy, doit sortir. Douze minutes plus tôt, il s'arrachait pour empêcher le ballon de rentrer dans ses cages se blessant au passage. Ce n'est pas ce sauvetage que l'histoire retiendra.

Car pour le remplacer, Hector Cuper, le sélectionneur argentin de l’Egypte, appelle alors un mythe à refouler les pelouses. Essam El-Hadary, 44 ans, 147 sélections (avant ce match face au Mali) et quatre Coupes d’Afrique des nations (CAN) à son palmarès, entre en jeu, devenant le joueur le plus âgé à participer à la compétition. Il efface ainsi des tablettes son compatriote Hossam Hassan qui avait 39 ans, 5 mois et 24 jours lors de sa dernière participation à la CAN en 2006.

Un monument du sport africain 

A un moment où le football africain se cherche de nouveaux géants, Samuel Eto'o ou Yaya Touré ayant pris leur retraite internationale, Essam El-Hadary apparaît comme l'un de ses derniers monuments. Un gardien qui a justement fait pleurer Eto'o en 2005 en empêchant le Cameroun se qualifier pour le Mondial de l'année suivante. Un gardien qui stoppa trois tirs au but en finale de la CAN 2006 face à la Côte d'Ivoire dont celui de Didier Drogba (victoire de l'Egypte 0-0, 4-2 aux t.a.b). Un gardien qualifié par l'attaquant ivoirien comme le «meilleur» qu'il ait eu à affronter, et Drogba s'y connaissait en goals. Un gardien, enfin, international depuis 1996 qui traîne derrière lui 24 années de football professionnel, quatre CAN donc, dont trois titres de meilleur gardien de la compétition, sept championnats d'Egypte, quatre Coupes d'Egypte, trois Ligues des champions de la Confédération africaine. Un pharaon parmi les pharaons.

Son histoire sous le maillot égyptien commence pourtant sur le banc, bloqué par une autre légende Nader El-Sayed qui fit carrière en Europe. Il faut attendre 2006 pour que «le grand barrage», son surnom en Egypte, ne gagne une place de titulaire lors de la CAN organisée à domicile. Il y remporte le deuxième de ses quatres titres, le premier en tant que titulaire. Peu à peu écarté au profit de gardiens plus jeunes à l’arrivée de Bob Bradley en 2011, il sera rappelé par Hector Cuper en juin 2016 qui le titularise pour le dernier match des éliminatoires pour la CAN 2017 face à la Tanzanie. Les Egyptiens l’emportent (2-0) et valident leur billet pour le Gabon.

L'histoire s'est occupée du reste. Une histoire démarrée le 26 mars 1996, pour la première de ses 147 sélections, contre la Corée. L'Equipe a rétrofeuilleté le gros livre de l'histoire du foot: cette année-là, Auxerre était champion de France, le PSG remportait la Coupe des coupes et la Juve gagnait la Ligue des champions avec Didier Deschamps au râtissage. L'homme qui a marqué, en finale de la Supercoupe d'Afrique 2002, un but de 70 m (certes un brin chanceux), a commencé sa carrière pro en club en 1992 à Damiette (dans le Delta du Nil), a passé ensuite 12 saisons à Al Ahly, le grand club du Caire (de 1996 à 2007), avant un exil de deux saisons en Suisse au FC Sion. De retour au pays en 2009, il papillonne depuis de club en club, puisqu'il en a connu six en huit saisons.

«Une icône pour les gardiens en Egypte»

Avant d'affronter le Cameroun ce dimanche en finale où il pourrait remporter une cinquième CAN renforçant ainsi encore un peu plus sa légende, Essam El-Hadary n'a encaissé qu'un seul but dans la compétition, face au Burkina Faso en demi-finale. Preuve que sa présence dans les cages égyptiennes n'est pas due qu'à son formidable CV. Une forme que soulignait justement Ahmed Nagy l'entraîneur des gardiens égyptiens après le match face à la Tanzanie: «Essam n'était pas sur notre liste des joueurs retenus pour la sélection nationale, mais la forme qu'il a affichée avec son club Wadi Degla (Le Caire) nous a obligés à l'appeler […] En mars 2016, pour le match contre le Nigeria, il était le quatrième gardien, maintenant il est numéro 1. Il a joué contre la Tanzanie et a livré une prestation époustouflante.» Face au Burkina Faso, c'est lui qui sauve son équipe en claquant en corner une reprise de Diawara dans les derniers instants du match. La prolongation passée, l'histoire avait choisi son camp. Essam El-Hadary du haut de ses 44 ans détournait les tirs au but de Koffi Kouakou et de Bertrand Traoré, respectivement de 23 et 22 ans ses cadets, pour envoyer les Pharaons à la conquête de leur huitième Coupe d'Afrique des nations (leur première finale depuis sept ans).

La longévité et la forme d'El-Hadary n'ont rien d'étonnant pour un homme dont l'hygiène de vie est régie par le football. «C'est quelqu'un qui va venir 1 heure 30 avant tout le monde à l'entraînement pour aller en salle faire des étirements et réaliser un gros travail personnalisé. Même chose après, raconte son ancien entraîneur à Wadi Degla, le Français Patrice Carteron. Le Caire est une ville de 20 millions d'habitants, cela veut dire que parfois, pour traverser la ville, il faut quasiment trois heures avec les bouchons. C'est le seul joueur que j'ai connu à avoir un appartement juste à côté du stade afin d'éviter de trop circuler, alors que sa femme et ses enfants habitent un peu plus loin dans une grande maison.» Encore aujourd'hui, le gardien aux 37 trophées en clubs et en sélection représente ainsi «une icône pour nous les gardiens de but en Egypte», déclarait El-Shenawy.

«Pour moi, l’âge n’est qu’un chiffre»

Plus proche que jamais de sa cinquième couronne africaine, Essam El-Hadary ne compte pas s'arrêter là. Malgré un palmarès déjà exceptionnel, il reste focalisé sur son ultime défi: «Je suis fier de ma longue carrière, mais une participation à la Coupe du monde représente quelque chose d'exceptionnel dans la vie d'un joueur. Mon ambition n'a pas de limites et je suis toujours déterminé à atteindre cet objectif.»

En 2018, il pourrait devenir le plus vieux joueur à participer à un Mondial, en battant le record du gardien colombien Faryd Mondragon, en jeu face au Japon lors de la Coupe du monde 2014 à 43 ans et 3 jours. Cet objectif, le gardien n’est pas loin de l’accomplir. L’Egypte occupe en effet la première place de son groupe de qualifications pour le Mondial en Russie en 2018, devant l’Ouganda, et surtout avec 5 points d’avance sur son principal adversaire, le Ghana.

Au coup d'envoi du Mondial russe, Essam El-Hadary aura 45 ans et 5 mois mais comme il le dit: «Pour moi, l'âge n'est qu'un chiffre. J'ai une règle que je suis depuis longtemps: se concentrer sur l'entraînement à fond. Je suis un joueur professionnel et, tant que je serai capable d'apporter quelque chose, je ferai tout pour rester au top.» A bon entendeur…

Mis à jour le 3 février 2017 après la victoire de l'Egypte face au Burkina Faso (0-0, 4-3 t.a.b) en demi-finale de la CAN.