Des soutiens d'un club de foot professionnel se mobilisent sur les réseaux sociaux pour faire échec à l'arrivée d'un joueur : ce scénario insolite s'est produit à deux reprises cette semaine, à Saint-Etienne et à Vallecas, une commune de la périphérie de Madrid. Mais avec des enjeux très différents : en France, les tifosi reprochaient à Anthony Mounier une injure prononcée en 2012 : «On les baise, les Verts.» En Espagne, les fans du Rayo Vallecano, un club de deuxième division, ont réagi aux relations supposées de l'attaquant ukrainien Roman Zozulya avec les milieux ultranationalistes, voire néonazis, de son pays. Le joueur, prêté par le Betis Séville, se donne jusqu'à lundi pour décider s'il reste dans ce climat hostile.
But contre la France
Zozulya n’est pas un inconnu pour les amateurs français de ballon rond. Lors du match de barrage Ukraine-France, avec à la clé une place en phase finale de la Coupe du monde 2014 au Brésil, il avait réalisé un grand match aller, marquant le premier but. Battus 2-0, les Bleus avaient renversé la vapeur à Saint-Denis : 3-0 au retour.
Les traces d’accointances entre le footballeur et la mouvance extrémiste ne manquent pas. Zozulya, 27 ans et 31 sélections, a fondé et financé la Narodna Armiya (armée populaire), une milice active dans la région du Donbass, où l’armée ukrainienne combat les rebelles prorusses. Sur Twitter, il a posé volontiers aux côtés de combattants, parfois un fusil-mitrailleur entre les mains, et exhibe une écharpe à l’effigie de Stepan Bandera – ce chef militaire nationaliste, allié des nazis en 1940, sera abattu en Allemagne en 1959, probablement par le KGB. Sur une des images diffusées, le joueur adopte la même pose que le leader fasciste, pour, semble-t-il souligner leur ressemblance.
Ох и похожи😂 pic.twitter.com/umJ2xsYVYT
— Роман Зозуля (@zozulyaroman18) December 1, 2015
Saison terminée
Peu employé à Séville par l'entraîneur Victor (6 matchs en six mois de Liga), l'Ukrainien est proposé en prêt au Rayo Vallecano, en mauvaise posture en deuxième division. Mais dans cette banlieue ouvrière de Madrid, où plusieurs groupes de supporters sont très marqués à gauche, la nouvelle passe mal. Après avoir été hué lors de son premier entraînement, le sportif publie un communiqué où il parle de «malentendu» : «Je ne suis lié à aucun groupe paramilitaire ou néonazi. Je réalise un important travail de soutien à l'armée pour protéger mon pays, aider les enfants et les populations défavorisées. Le tout dans un contexte douloureux, celui d'une Ukraine en guerre.» Des arguments qui n'ont guère ému les supporters. Le Betis a annoncé jeudi qu'il reprenait son attaquant mais ne pourra plus le faire plus jouer cette saison : il a déjà appartenu à trois clubs, le maximum fixé par les règlements internationaux.
Un précédent croate
Roman Zozulya n'est pas le premier footballeur professionnel accusé de proximité avec l'extrême droite. Plusieurs sportifs ont provoqué un scandale en choisissant d'arborer sur leur maillot le numéro 88. Qui, dans la mouvance néonazie, signifie «HH», soit «Heil Hitler» (le H étant la huitième lettre de l'alphabet). Le cas du Croate Josip Simunic a été très médiatisé en 2003 : après la victoire de sa sélection à Zagreb face l'Islande, qui qualifiait le pays pour la Coupe de monde au Brésil, le vétéran aux 105 sélections avait fait reprendre au stade entier le slogan «Za dom ? Spremni !» («Pour la patrie ? Prêts !»). Soit le cri de ralliement du régime antisémite et pronazi des Oustachis (1941-1945). Suspendu pour six mois et sanctionné financièrement par l'UEFA, Simonic avait mis fin à sa carrière, tirant un trait sur le Mondial, où son équipe a fait piètre figure. Il a cependant bien rebondi : il est depuis septembre l'adjoint du sélectionneur national Ante Cacic.