On avait quitté les Lions sur l’île de Bioko à Malabo, capitale de la Guinée équatoriale. Une défaite face à la Côte d’Ivoire, sa deuxième en trois matchs de poule et le Cameroun sortait au premier tour de la CAN 2015 après avoir manqué les éditions 2012 et 2013. Deux ans plus tard, les Lions indomptables viennent de décrocher la cinquième Coupe d’Afrique des Nations de leur histoire après avoir traversé des années troubles.
Le «Knysna» camerounais
A l’été 2014, le Cameroun s’était en effet distingué non pas par ses performances sur le terrain mais par une énième histoire de primes. Au cours de la préparation au mondial brésilien, les joueurs commencent une grève de l’entraînement avant un match amical face à l’Allemagne afin de trouver un accord avec leur Fédération sur le montant des primes pour leur participation à la Coupe du monde. Faute d’accord, le conflit s’enlise. Au terme d’un autre match amical face à la Moldavie, les joueurs refusent de participer à la cérémonie de levée du drapeau en présence du Premier ministre (l’équipe nationale récupère le drapeau de la main des autorités avant de s’envoler pour la Coupe du monde). C’est donc le sélectionneur de l’époque, l’Allemand Volker Finke accompagné de son staff technique qui reçoit l’emblème national.
Cerise sur le gâteau, sur le point de s'envoler pour le Brésil, les joueurs ne montent pas dans l'avion. Selon un responsable de la Fédération qui se confie alors anonymement à l'AFP : «Les joueurs devaient partir dimanche matin, mais ils n'ont pas voulu le faire parce qu'il y avait un problème de prime. Jusqu'à samedi, le gouvernement leur avait proposé 50 millions (de francs CFA, soit 76 000 euros) de prime de participation, mais ils en voulaient plus.» Des tensions qui n'avaient pas aidé le Cameroun à faire bonne figure pendant le Mondial. Pour la quatrième fois sur leurs cinq dernières participations, ils ne sont pas parvenus à remporter la moindre rencontre. Pire, lors du dernier match de poule contre la Croatie perdu (0-4), une bagarre éclate entre Benjamin Moukandjo et Benoît Assou-Ekotto venant définitivement ternir l'image du Cameroun.
Une CAN en guise de reconquête
Cette CAN apparaissait donc comme l’opportunité de renouer avec le succès pour la première fois depuis quinze ans. Une éternité pour ce géant du football africain. Mais une nouvelle fois, des difficultés sont venues compliquer le parcours de l’équipe. Les primes, encore, furent sources de discussions entre la Fédération et les joueurs et le staff. Après 2014 on pouvait penser que ce sujet ne reviendrait plus sur la table ou du moins ne sortirait plus au grand jour et ce d’autant plus qu’en 2002 le groupe camerounais avait déjà connu un problème lié aux primes - il avait été bloqué dans un hôtel à Roissy en attendant de recevoir l’argent promis par sa Fédération pour le Mondial au Japon et en Corée du Sud.
Rebelote donc avant cette CAN 2017. Le sélectionneur belge du Cameroun Hugo Broos déclarait ainsi avant la compétition : «C'est vrai que nous, pas seulement les joueurs, mais tout le groupe ne sommes pas contents au sujet des primes. Personne ne nous voyait arriver à ce stade de la compétition. Or, compte tenu de nos performances, je pense qu'il est normal que les joueurs et tout le groupe veuillent quelque chose de plus.» Dans ces conditions, le bon parcours du Cameroun était pour le moins inattendu. D'autant que sept joueurs ont décliné la sélection pour privilégier leur carrière en club (dont Joël Matip, Allan Nyom ou le Marseillais André Zambo Anguissa…),
Malgré tout, les événements du Brésil n'étant jamais très loin dans les esprits, Broos a tenu à préciser avant la demi-finale : «Il faut rappeler que le travail se poursuit. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas très contents par rapport aux primes, que nous allons cesser de préparer cette demi-finale avec sérieux. Même si nous avons sollicité une bonification, nous restons concentrés sur ce match que nous voulons gagner à tout prix. C'est important de le souligner. Les entraîneurs et les joueurs ne sont pas venus à cette CAN principalement pour de l'argent. Les joueurs sont ici pour réaliser de belles performances pour leur pays, pour leurs supporters et pour eux-mêmes. Il y a des primes ? OK, c'est une bonne chose, mais le premier objectif c'est de gagner des matchs pour le Cameroun. S'il y a de l'argent, je pense qu'on devrait quand même tenir compte des performances.»
Entre défections de joueurs, histoires de prime et groupe inexpérimenté (avant le début de la compétition, seul Nicolas N'Koulou, remplaçant, comptait plus de 50 sélections), peu de monde aurait ainsi pu prévoir le succès des Lions indomptables. Mais à l'image d'un Vincent Aboubakar se jetant dans les bras d'Hugo Broos à la fin de la finale contre l'Egypte, il faut souligner le travail accompli depuis deux ans, par l'entraîneur, qui a su faire «renaître ce groupe» d'après le défenseur Michael Ngadeu, dithyrambique à propos de son sélectionneur : «Il a apporté cette solidarité, cette mentalité au sein du groupe. Sa manière de parler, de donner les conseils. Il a donné à ce groupe l'amour, la joie de vivre en famille, chose qui -je n'étais pas là avant — a manqué il y a de cela bien longtemps. Avec son arrivée, toutes ces choses ont changé.» Ce dernier concluant même : «Nous les joueurs n'avons rien fait, c'est lui le héros du Cameroun.»
De retour au sommet du football africain, l’objectif est désormais double pour le groupe d’Hugo Broos. D’une part se qualifier pour le prochain Mondial russe en 2018 (le Cameroun est deuxième de son groupe de qualification à quatre points du Nigeria). D’autre part, défendre son titre continental. Ce sera en 2019 à domicile.