En 1898, Emmanuel Poiré dit Caran d'Ache, humoriste et caricaturiste français publiait dans le Figaro Un dîner en famille, ensemble de deux dessins superposés illustrant la division de la société française quant à l'affaire Dreyfus.
Faisons un bond dans le temps de 119 ans et replaçons ce dessin dans le contexte du football américain. Il pourrait parfaitement s'appliquer au quarterback des New England Patriots, Tom Brady. A l'instar d'un Kobe Bryant en NBA qui en aura joué jusque dans ses spots publicitaires, rarement un joueur n'aura en effet cristallisé autant de sentiments contraires.
Héros pour les uns…
A l'image du scénario du dernier Super Bowl, la carrière de Tom Brady est «hollywoodienne». Natif de San Mateo au sud de San Francisco en Californie, il est choisi en 199e position par les New England Patriots à la draft 2000 de la NFL, le championnat de football américain. Au sixième tour ! Pourquoi aussi bas ? Plus jeune, Tom Brady n'est en effet pas destiné à devenir une superstar de la ligue et ce malgré une carrière universitaire correcte à l'université Michigan. Les recruteurs ne croient pas au potentiel d'un joueur jugé trop faible dans tous les domaines qui font un bon quarterback, celui qui mène l'attaque. «Manque de mobilité, ne sait pas échapper à la pression, ne possède pas un bras puissant et ne peut pas jouer dans beaucoup de systèmes différents», peut-on même lire sur un rapport de l'époque. Il a notamment été chronométré à 5,28 seconds pour courir un 40 yards (36,576 mètres), l'un des pires temps jamais enregistré dans cette catégorie.
Au début de la saison 2000-2001, Tom Brady n'est toujours pas assuré de continuer l'aventure avec les Patriots. Il ne parvient pas à convaincre mais un événement va changer le destin du joueur. Au début de la saison suivante, Drew Bledsoe, le quarterback titulaire de la Nouvelle-Angleterre se blesse gravement, lui qui venait de signer un mirobolant contrat de 103 millions de dollars sur 10 ans. Bill Belichick décide alors de lancer Tom Brady, qui n'avait joué qu'une seule rencontre la saison précédente. Pour ce qui est du reste ? En 16 ans au plus haut niveau avec les New England Patriots, Tom Brady est devenu le quarterback le plus titré de l'histoire de la NFL devant Terry Bradshaw et Joe Montana remportant cinq fois le Super Bowll. Il a été désigné quatre fois meilleur joueur de ce match dépassant une nouvelle fois son idole Joe Montana, légende des 49ers de San Francisco dans les années 1980. Il est d'ailleurs le joueur ayant remporté le plus de rencontres de play-offs avec 25 victoires pour 34 matchs disputés. Sous son commandement, les Patriots remportent 14 fois la division AFC East. Avec sept participations au Super Bowll, il est également le joueur qui a participé le plus à cet événement. Face aux Falcons d'Atlanta, dans la nuit de dimanche à lundi, en faisant progresser son équipe de 466 yards grâce à ses passes, il a établi un nouveau record pour une finale. Et ce n'est là qu'une liste non exhaustive des chiffres de la carrière de Tom Brady qui ferait tourner la tête à plus d'un recruteur de cette fameuse draft 2000. Une carrière au cours de laquelle il est accompagné par le mannequin brésilien Gisèle Bundchen avec qui il est marié depuis 2009. Et si on commençait à détester Tom Brady ?
Tricheur pour les autres…
Car si Tom Brady est un héros pour tous les fans de la Nouvelle-Angleterre, ses succès ont fait des jaloux. La carrière du quarterback a été notamment marqué par un scandale qui a bouleversé la NFL. Au cours de la saison 2014, les Patriots, Tom Brady en tête, sont accusés d'avoir sous-gonflé leurs ballons en phase offensive (en football américain, une équipe utilise ses propres ballons lorsqu'elle attaque) lors de la demi-finale de play-offs qui les opposait aux Colts d'Indianapolis remportée (45-7). Un détail qui peut modifier la manière dont on tient le ballon et faciliter le travail du quarterback. Au cours du match, Tom Brady délivrera ainsi trois passes qui amèneront à un touchdown, l'équivalent d'un essai au rugby. Tom Brady n'a jamais avoué avoir recouru à cette méthode. Il a malgré tout été suspendu les quatre premiers matchs de la saison 2015 pour cette affaire dite du «Deflategate», comprenez de l'anglais deflate qui veut dire se dégonfler. Car si le joueur a toujours nié, arguant que ce match avait été gagné «d'une façon juste et loyale», son comportement au cours de l'enquête avec la destruction d'un téléphone qui aurait pu contenir des informations défavorables aura joué un grand rôle dans la sanction que lui a infligée la NFL.
Tout sportif ultradominateur suscite son lot de critiques. On veut le voir perdre des matchs et de sa superbe. Surtout si on le soupçonne de tricherie. Ce qui explique l'image ambiguë de Brady auprès des fans de football. Mais les critiques ne s'arrêtent pas là. Sa relation avec Donald Trump (grand supporter des Patriots) ne lui attire pas que des admirateurs même si le joueur s'en est défendu au cours d'une interview accordée à la radio WEII.com: «Je l'ai déjà appelé par le passé. Parfois, il m'appelle, parfois c'est moi. (...) Ce n'est pas parce que vous connaissez quelqu'un que cela veut dire que vous êtes d'accord avec tout ce qu'il dit ou ce qu'il fait.» Autre argument des anti-Brady, il ne serait le joueur qu'il est que grâce à son entraîneur, Bill Belichick. Les partisans de cette théorie avancent qu'au cours de la saison 2008, les Patriots ont réalisé une saison à onze victoires pour cinq défaites sans leur quarterback blessé. De plus, lorsque Tom Brady a été suspendu pour le «Deflategate", l'équipe a remporté trois victoires en quatre matchs sans lui.
Alors Tom Brady, héros ou tricheur ? Chacun se fera son avis mais un sondage de l'Institut Policy Polling en février 2016 a montré à quel point le joueur ne laissait personne indifférent. Selon celui-ci Tom Brady est ainsi, à la fois le quarterback le plus aimé par les Américains (22%) mais aussi celui le moins aimé (24%). Décidément…