Jeudi après-midi les 49
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championnats du monde de biathlon débutaient à Hochfilzen en Autriche par le relais mixte. Ce sont les Allemands qui se sont imposés devant les Français, qui perdent leur titre décroché l’année dernière à Oslo, et les Russes.
[ Au-delà de la polémique entre Martin Fourcade et les Russes ]
, à un an de l’ouverture des prochains Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang en Corée du Sud, c’est l’équipe de ce pays qui suscitait la curiosité, malgré sa 19
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place.
Aux côtés de Kim Yong-gyu et de Lee In-bok , les deux représentants masculins, les noms d’Ekaterina Avvakumova et d’Anna Frolina semblent en effet loin des patronymes qu’on trouve au pays du Matin calme. Et pour cause, les deux biathlètes sont russes de naissance. Car à l’image de ce qui s’est déjà produit dans d’autres sports, les fédérations n’hésitent plus à naturaliser des étrangers afin de se renforcer à l’approche d’un événement majeur organisé à domicile. Aux Jeux olympiques de Londres en 2012, la Grande-Bretagne avait ainsi monté de toutes pièces son équipe de handball composée majoritairement de joueurs binationaux. Plus récemment, c’est le Qatar qui avait défrayé la chronique dans la même discipline en atteignant la finale des championnats du monde organisé chez lui avec une équipe composée en quasi-totalité de joueurs naturalisés. C’est ainsi qu’en mars 2016, le ministère sud-coréen de la Justice a annoncé la naturalisation d’Anna Frolina, championne du monde de relais avec la Russie en 2009 (à Pyeongchang justement) et d’Alexander Starodubets dont le meilleur résultat est une 7
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place obtenue en individuel aux mondiaux juniors en 2012.
Manque de pratiquants
L’objectif ? Selon le secrétaire général de la fédération sud-coréenne de biathlon, Park Chul-sung, «
n’est pas de gagner des médailles
.
Mais nous espérons que ces athlètes permettront de faire progresser nos biathlètes
.» Park Chul-sung n’a d’ailleurs pas tari d’éloge quant à ses nouvelles recrues : «
Si Frolina n’a pas beaucoup couru à cause de la naissance de son enfant il y a deux ans (en 2014), elle reste malgré tout une grande athlète et ce malgré son âge (33 ans). Nous savons que les biathlètes entre 28 et 34 ans sont
à leur top.
Quant à Alexander Starodubets, «
nous le trouvons plus talentueux que nos biathlètes.
[…]
Il a une grande envie de courir et il nous a même dit qu’il avait oublié comment chanter l’hymne russe au moment de sa naturalisation.»
Le biathlète aurait ainsi choisi de représenter la Corée du Sud, car elle lui donnait l’opportunité de concourir en Coupe du monde contrairement à l’équipe russe trop compétitive. Anna Frolina et Alexander Starodubets sont les deux premiers Sud-Coréens naturalisés à représenter le pays en biathlon.
La Corée du Sud souffre en effet d’un manque de pratiquants qui pénalisent l’équipe nationale d’après Park Chul-sung : «
La sélection féminine est si petite que nous sommes même obligés d’intégrer des athlètes universitaires.
» Avant le début des championnats du monde, les équipes sud-coréennes masculine et féminine de biathlon sont classées respectivement 23
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et 25
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au classement des nations. Or, elles ont besoin d’atteindre au minimum le 22
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rang avant la fin de la saison 2016-2017 pour être automatiquement qualifiées pour «leurs» JO. Autrement, elles devront participer à une course
«wild card»
pour se disputer douze places parmi les nations les moins bien classées. Avec la naturalisation d’étrangers, la Corée du Sud espère donc glaner cette saison des points supplémentaires en Coupe du monde et au cours des championnats du monde. C’est également dans cette optique qu’Ekaterina Avvakumova a obtenu la nationalité sud-coréenne. Qui n’est pas trop difficile à décrocher : selon la loi du pays, toute personne disposant d’un domicile en Corée et dont la participation aux intérêts de la République de Corée par ses talents et son excellence dans un champ précis (sciences, économie, culture, sport…) est éligible à la naturalisation.
Le biathlon, pas le seul sport concerné
En vue des Jeux de Pyeongchang, la Corée du Sud multiplie ce genre de démarche. C’est ainsi qu’au même moment que les biathlètes, le ministère de la Justice sud-coréen a annoncé la naturalisation de deux hockeyeurs sur glace nés canadiens, Matt Dalton et Eric Regan. Avec eux, ce sont désormais six joueurs naturalisés qui font partie de l’équipe nationale de hockey sur glace. Il y a trois ans aux Jeux de Sotchi, la patineuse de vitesse Kon Sang-jeong était devenue la première sud-coréenne naturalisée (elle est née taïwainaise) à remporter une médaille d’or olympique. A Pékin en 2008, la pongiste d’origine chinoise Ye-seo Dang avait, elle aussi, décroché une médaille mais seulement de bronze.
Une pratique que l’entraîneur de l’équipe sud-coréenne de biathlon trouve justifiée : «
Si la Russie fait venir Viktor Ahn en short-track
[patinage de vitesse sur courte piste, dans lequel les Sud-Coréens excellent, ndlr],
je ne vois pas pourquoi on ferait pas la même chose en biathlon.»
Le patineur de vitesse Viktor Ahn né sud-coréen, triple champion olympique à Turin en 2006 pour son pays d’origine, avait pris la nationalité russe en 2011 en prévision des Jeux de Sotchi en 2014 y remportant une nouvelle fois trois titres olympiques mais cette fois-ci pour la Russie.
C’est ainsi que l’équipe sud-coréenne de biathlon a pris le départ du relais mixte composé de deux biathlètes d’origine russe à l’heure où les soupçons sur la délégation russe mise en cause pour dopage par le rapport McLaren (commandé par l’Agence mondiale antidopage) ne sont toujours pas dissipés. Notons toutefois qu’Anna Frolina, Alexander Starodubets et Ekaterina Avvakumova ne font pas partie des 31 biathlètes russes nommés dans le rapport.