Sous l'impulsion du président de la Fédération française de tennis, Bernard Giudicelli, son comité exécutif a publié lundi «la liste des joueuses et joueurs devant se tenir à la disposition de la Fédération pour représenter la France entre 2017 et 2020», soit huit tenniswomen (Garcia, Mladenovic…) et douze tennismen (Tsonga, Monfils, Pouille…) contraints d'enfiler le maillot bleu à la demande pour disputer la Coupe Davis et les Jeux de Tokyo. Roger Federer n'a jamais disputé la Coupe Davis ou presque, Rafael Nadal fait l'impasse depuis des années, les Suisses et les Espagnols s'en foutent autant que les Canadiens et les Serbes quand Milos Raonic ou Novak Djokovic se font porter pâles, mais les joueurs français, eux, sont tenus de se lever pour la patrie au son du clairon. C'est quatre fois grave.
Un : le sport n’est pas la guerre en temps de paix, et le rapport du joueur à son pays en général et à la Coupe Davis en particulier le regarde. Il est aussi malsain de lui reprocher l’absence de fibre patriotique que de se foutre de lui si, au contraire, il la ressent au plus profond de lui.
Deux : un sportif de haut niveau n’est pas un enfant qu’on édifie moralement tout en lui expliquant chaque jour qui passe ce qui est bon ou mauvais pour sa carrière. Le fait que la Coupe Davis prenne de l’énergie et entrave pour partie la carrière individuelle du joueur est chose admise sur le circuit : si un seul des dix premiers mondiaux (Djokovic) était sur le pont lors du premier tour de l’édition 2017 disputée début février, c’est qu’il y a une raison. Un tennisman, c’est une entreprise : ses contrats d’équipement sont indexés sur son classement, et celui-ci ne dépend pas d’une Coupe Davis qui ne rapporte pas de points ATP.
Trois : en contraignant le joueur et en prenant l’opinion publique à témoin, la Fédération utilise une compétition comme une arme politique, brocardant en creux l’ingratitude (on laisse entendre qu’ils ne viendraient pas sans menace) des joueurs. Elle oppose ainsi le sportif à son public.
Quatre : en n’assujettissant pas la contrainte à un examen médical (il ne manquerait plus que ça), elle transforme cette annonce en pur coup de communication puisqu’il suffira de se dire blessé pour y couper. Comme avant. Les arrière-pensées malsaines en plus.