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Libération
Récit

Paris-Roubaix: Van Avermaet, un plat héros dans la poussière

Le Belge s’est imposé dans une course marquée par la déroute des autres favoris, notamment de son compatriote Boonen pour sa dernière avant la retraite.
Le Belge Greg Van Avermaet (BMC) vainqueur de Paris-Roubaix, le 9 avril 2017 (Photo François LO PRESTI. AFP)
publié le 9 avril 2017 à 20h56

On a cru un moment que le «Christ cosmique» allait remporter la 115édition de Paris-Roubaix ce dimanche. Le chantre de l'astrologie maya, pressenti pour concourir à la présidentielle avec un programme interstellaire («La Marseillaise sera remplacée par un nouveau chant : "Grand Monarque nous voilà, devant toi le sauveur du cosmos"»), était seul en tête de la classique nordiste à 25 km de l'arrivée. Ou plutôt son sosie : l'Italien Daniel Oss, qui agite une superbe couette de bichon maltais. Pas de bol, c'est un autre gourou qui s'adjuge l'épreuve : Greg Van Avermaet (31 ans), leader de Oss chez BMC et nouvelle idole du public belge.

Flûte de pan. La course, cette année, était aussi lisible que du sanskrit. Les favoris étaient abandonnés de leurs coéquipiers à 120 km du but, en panique, condamnés à attaquer avant qu'un autre ne le fasse. D'où la dizaine de «sacoches» (accélérations) posées par Tom Boonen et Peter Sagan, quand il en suffit d'une seule, mais tranchante, au moment choisi. Pour sa dernière course, Boonen finit 13e. Et Sagan 38e. En perdition.

Après une épreuve décousue, sur un pavé plein d'une poussière fatale aux allergiques, trois coureurs se sont présentés détachés sur le vélodrome de Roubaix : Van Avermaet, le Tchèque Zdenek Stybar et le Néerlandais Sebastian Langeveld. Il en faut toujours un pour lancer le sprint trop tôt et un autre pour partir trop tard. Ils le savaient, ils avaient la trouille. Les échappés se sont tellement épiés qu'ils ont ralenti, à un cheveu de tomber de leur vélo. A un tel point que deux poursuivants sont rentrés sur eux. Mais le trio s'est repris pour couper la ligne dans l'ordre : Van Avermaet, Stybar, Langeveld. Le vainqueur a fait comme le «Christ cosmique» et dégainé une flûte de pan en interviews : «Avec le succès, je ne ressens pas la douleur.» A 31 ans, le champion olympique sur route à Rio avait déjà enlevé des classiques nordistes, comme le Het Nieuwsblad, le Grand Prix E3 et Gent-Wevelgem. Il a confirmé dans la plus grande.

Ozone. La presse belge a déroulé la chronologie de son héros : une adolescence dans le foot, des débuts tardifs dans le cyclisme, une robustesse de moissonneuse-batteuse qui lui vaut de faucher du résultat toute la saison. Elle est passée vite sur une affaire de manipulation sanguine qui remonte à 2011 et fut révélée en 2015. «GVA» se faisait purifier les veines avec de l'ozone. Blanchi par la fédération belge, il gagne, en cadeau, une étape du Tour de France. Avec la retraite du valeureux Boonen, Van Avermaet pourrait assurer l'intérim. La nouvelle vague de talents belges (Tiesj Benoot, Edward Theuns, Jasper Stuyven, etc.) est encore un peu tendre sur les pavés.

Alors, les quotidiens flamands rendent captivant un coureur plat. Ça fonctionne puisque, il y a une semaine, «GVA» récoltait des vivats au départ du Tour des Flandres. L'intéressé se veut prudent. On lui a demandé s'il prendrait la place de Boonen dans les duels avec Sagan. Il a répondu : «On verra.» Avec encore un peu de poussières sous les paupières.

Photo Olivier Touron