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Libération

Le marathon en moins de 2 heures : tout sauf du sport

publié le 5 mai 2017 à 19h56

Si ce samedi sur le circuit de Monza (Italie), habituellement dédié à la course auto, le Kényan Eliud Kipchoge, champion olympique de la distance, devient le premier homme à abattre le mur des 2 heures sur le marathon, quelle valeur faudra-t-il y accorder ? Celle d’un immense exploit sportif ou d’une grandiloquente opération marketing qui aura raboté près de trois minutes au record actuel (2 h 2 min 57 sec, par le Kényan Kimetto à Berlin en 2014) ? Et fait effectuer au marathon un bond de vingt ans (selon l’évolution des chronos, la barre des 2 heures devrait être franchie en 2035).

Précisons que si Nike, organisateur de ce barnum, réussit son pari, le record ne sera pas homologué : la Fédération internationale d’athlétisme (FIA) n’enregistre que les temps réalisés en compétition. Or ce qui se déroule ce samedi à l’aube, à 5 h 45, précisément, pour éviter la fatigue due à la chaleur, n’aura rien d’une course. Une voiture précédera Kipchoge, lui permettant de bénéficier d’un effet d’aspiration. Le Kényan, ainsi que l’Erythréen Tadese et l’Ethiopien Desisa, profiteront aussi de l’aide de 20 lièvres, ces coureurs chargés d’assurer le tempo idéal, et seront ravitaillés en boissons énergétiques par des Nike-boys en scooter. Le tout à l’abri des médias. Une mascarade complète pour les puristes des 42,195 km…

Mais peu importe, l'opération Breaking 2, qui lui aurait coûté jusqu'à 35 millions de dollars (31,9 millions d'euros), pourrait au final se révéler rentable pour l'équipementier. En termes d'image, car on parlerait moins des soupçons de dopage sur certains coureurs de l'Oregon Project (siège de la firme et lieu d'entraînement de plusieurs athlètes). Et de bénéfices : les marathoniens devraient s'arracher les pompes révolutionnaires qui chausseront Kipchoge and co, équipées d'une plaque en carbone qui «stocke l'énergie [les vibrations] et la renvoie». Dopage technologique, dénoncent certains. Pas la FIA, qui a homologué la chaussure.

Le sport dans tout ça ? Nike ne va quand même pas s’emmerder avec ce détail. Ni son grand rival Adidas, qui concocte également un projet pour passer sous la barre des 2 heures. Par tous les moyens.