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Libération
Roland-Garros

Jo-Wilfried Tsonga prend la porte d'entrée

Le numéro 1 français, sorti par un Argentin anonyme, a pris sa défaite avec philosophie.
L'Argentin Renzo Olivo (g) serre la main de Jo-Wilfried Tsonga après sa victoire face au Français au 1er tour à Roland-Garros, le 31 mai 2017 (Photo Eric FEFERBERG. AFP)
publié le 31 mai 2017 à 15h57

Sorti en quatre sets (5-7, 4-6, 7-6 [6], 4-6) en deux jours dès le premier tour de Roland-Garros par un Argentin en tee-shirt, Renzo Olivo (25 ans), Jo-Wilfried Tsonga (31 ans) a prononcé sa propre oraison à une porte de sa compagne et de son enfant en bas âge, paisiblement posés sur un canapé. Et juste après, il a retrouvé son frère qui l’entraîne désormais au côté de Thierry Ascione : une manière d’équilibre cosmique à rapprocher ou non de la manière dont le numéro 1 français a pris son élimination, alors qu’il était demi-finaliste Porte d’Auteuil en 2015 et unanimement désigné comme possible vainqueur d’un tournoi ouvert. Certains joueurs perdent dans l’amertume, d’autres avec la frustration au bord des lèvres : Tsonga a eu la défaite ouatée.

Ronronnement ambiant

Mais pour l'avoir suivi voilà deux ans, quand il basculait Tomas Berdych ou Kei Nishikori par-dessus bord, on avait aussi trouvé qu'il avait la victoire ouatée. Et il n'était pas encore père de famille. Contre un Olivo qui restait sur sept défaites de rang au premier tour (contre un 291mondial belge au tournoi challenger d'Aix-en-Provence, par exemple), Tsonga a expliqué tranquillement que son adversaire avait «de l'énergie» alors que lui n'avait «pas les meilleures sensations», n'était «jamais dans le bon rythme» : «La balle n'est pas sortie de ma raquette comme j'avais envie et voilà», il s'est incliné contre un 91e mondial qui perdait tout le temps depuis février.

Le ronronnement ambiant – «je m'attendais à un match difficile… je me sentais bien physiquement…» – et le timbre à la fois grave et sucré du joueur ont plongé la pièce dans une grande quiétude, non loin du sommeil. Il a fallu lutter. Lui : «Des années que je joue au tennis et j'ai compris que c'était une activité cyclique, un jour en haut, un jour en bas… Il faut être le plus stable possible au niveau des émotions.» Dont acte. Tsonga se lève : «Vous savez, c'est la magie de Roland-Garros.» Lâché sans ironie aucune : le Français a un grand respect de son sport, de ceux qui y jouent et de ce qu'il se passe quand deux joueurs sont sur le court.

Histoire de mondialisation

D'ailleurs, il a sans doute raison parce qu'à 20 mètres de là, Olivo déroulait un français parfait, le prix d'un exil forcé dans une académie de la région parisienne entre 12 et 16 ans : «Mon père n'avait plus les moyens de me payer ma formation de tennisman. J'arrivais à un âge où je coûtais beaucoup d'argent et où je ne rapportais rien. Dans cette académie, je pouvais avoir des sponsors. Je ne suis pas parti de gaieté de cœur.»

La défaite de Jo-Wilfried Tsonga cache donc une histoire de mondialisation où la France, terre nourricière du tennis, met à l’abri du besoin et forme ceux qui battront ses représentants demain. Sans ironie aucune, elle peut s’en enorgueillir. Sinon, Tsonga est arrivé à Roland-Garros fatigué parce qu’il a gagné le tournoi de Lyon la semaine dernière (le premier titre sur terre battue de sa carrière), un tournoi dont son entraîneur est directeur. C’est comme pour l’influence de sa famille sur sa zénitude. Il y a peut-être un lien et peut-être pas.