Menu
Libération
Roland-Garros

Pour Richard Gasquet, c’est duraille

Le joueur français aimerait vivre le tennis simplement, en épicurien. Mais on le ramène toujours à son statut d’ex-enfant prodige.
Richard Gasquet à Roland-Garros, jeudi. (Photo Christian Hartmann. Reuters)
publié le 2 juin 2017 à 20h36

Grand moment de solitude jeudi pour le Français Richard Gasquet après sa victoire rapide (6-1, 6-0, 6-4) devant un ressortissant de la République dominicaine, Victor Estrella Burgos, dont le principal coup consiste à glisser des petits chips de revers : l'un des journalistes présents, joueur du dimanche pour qui «c'est l'enfer de jouer contre des mecs qui font des chips tout le temps», a demandé à Gasquet quel était son secret pour se sortir aussi brillamment de cette situation. Et il s'est pris cinq questions sur le sujet, alors que sa première réponse («j'aime bien, ça me permet de sortir mon revers frappé et c'est mon meilleur coup») aurait en toute rigueur pu suffire.

Club-house

Pas bégueule, le Biterrois a fait œuvre de pédagogie, expliqué que des jeux se marient plus ou moins au chip de revers qui terrifie son interlocuteur avant de revisiter sa jeunesse de prodige dans une évocation fleurant bon le club-house campagnard et les mecs qui poireautent derrière la grille du court en attendant l'heure pile : «En club, j'en ai joué un paquet, des mecs avec des chips de revers. Combien de jeunes ont perdu sur des mecs plus âgés qui, faute de frapper la balle aussi bien qu'eux, utilisaient des chips de revers pour gagner des points… ça arrive tout le temps ! J'étais à bonne école, mais j'aime bien. En club, les vieux en ont massacré un paquet, des petits jeunes qui craquent, c'est connu !» Voilà le secret de Richard Gasquet : l'art de se retrouver dans des situations à la fois roots et décalées, en marge de ce qu'on peut imaginer de la vie de ces gars-là. Comme Monfils, Gasquet vit sa propre surveillance : le dos dans son cas, qui l'a laissé deux mois sur le flanc en le privant de l'accoutumance à la terre battue. Ce qui n'est pas non plus dramatique pour un joueur qui aura 31 ans dans deux semaines et qui s'entraîne à l'année à Roland-Garros.

Pylônes

Ça fait belle lurette que le Français prend les choses comme elles se présentent, composant avec les blessures et semblant gagner en sérénité à mesure que le grand public en rabat sur ce qu’il attend de l’ex-enfant prodige : un petit quart de finale en Grand Chelem par-ci (à Roland-Garros l’an passé par exemple), un match magnifique par-là et les saisons filent tranquillement, à l’ombre, là où Gasquet a toujours voulu être - il s’est tué à le dire.

Le match face à Monfils lui a inspiré ça : «Vu qu'il n'y a plus beaucoup de Français dans le tableau, c'est dommage de se jouer si tôt. C'est toujours compliqué de jouer un ami. On se connaît depuis toujours. J'espère qu'il y aura du soleil, qu'on jouera sur le Central, ce sera un beau moment à vivre.» Le tennis en épicurien. Alors que tout le monde à Roland-Garros parle de la nécessité d'installer des toits sur les courts, Gasquet s'est lancé en début de tournoi dans un combat à lui : l'installation de pylônes électriques, pour permettre aux matchs de se terminer à tous les coups, en lui évitant de revenir le lendemain. Une revendication solitaire, sans écho. Mais il s'en fout.