Certains suggèrent que l'ASM Clermont Auvergne est née sur un ancien cimetière indien et que plane sur elle une malédiction : une seule victoire en finale du Top 14, (en 2010) pour onze défaites. Denis Troch, ancien entraîneur de football et désormais préparateur mental, fondateur du groupe H-Cort Performance, explique à Libération comment il tente de rassurer et sublimer les Auvergnats depuis 2014. Car cette année, les «Jaunards» sont encore en finale du championnat de France, face au Rugby club toulonnais, adversaire coriace avec quatre succès au palmarès (dimanche à 20 h 45 sur France 2 et Canal +).
Avez-vous spécifiquement préparé l’ASM à affronter le RC Toulon ?
Non, ce n’était pas possible, l’affiche de la finale n’est connue que depuis une semaine. Mais le club sera prêt parce qu’il viendra avec un savoir-faire développé au quotidien. C’est ce que nous appelons les «anticorps».
Comme pour résister à une maladie ?
Les anticorps se développent comme processus d’apprentissage. On place les individus dans des situations qu’ils sont appelés à vivre prochainement, afin qu’ils soient plus sereins le jour venu. Par exemple, on peut travailler sur la technique qui permet de renverser le score en deuxième période.
Que vous inspire cette histoire de «malédiction» qui pèserait sur l’ASM ?
Pourquoi le bonheur n’appartiendrait-il qu’aux autres ? Pourquoi un club entier serait-il frappé par une fatalité à la naissance ? Il peut y avoir un concours de circonstances qui explique qu’une équipe ne soit pas capable de gagner de façon récurrente. Mais je ne crois pas en une quelconque «malédiction». En tout cas, je ne peux pas travailler dans cette hypothèse. Les croyances sont inhérentes à l’homme et il m’arrive de travailler avec. Par exemple, en rappelant la manière dont une équipe a signé un exploit il y a vingt ans. Mais le récit ancien doit permettre au groupe de comprendre comment il s’est adapté. Donc il faut aborder ces récits avec un regard critique.
A force d’entendre qu’ils sont soumis à cette «malédiction», les joueurs risquent-ils d’y croire et donc de perdre leurs moyens ?
Oui, ce genre de récit constitue une agression. Même un individu qui dispose d'une forte confiance en lui peut douter. Il faut l'en protéger : «Je n'ai pas envie de penser cela», «je ne veux pas donner raison à ceux qui pensent mal .» Car il faut au passage s'interroger sur les personnes qui ont intérêt à propager cette légende de «malédiction» : ceux qui n'ont jamais gagné de compétition ? Ceux qui aimeraient être à la place de l'ASM Clermont Auvergne ? Ceux qui vont se retrouver en face sur le terrain ?
Un ancien du club, Jamie Cudmore, estime que l’ASM a installé ses joueurs dans une «zone de confort» qui leur est préjudiciable. «Tu perds un match et, le lendemain, tout le monde te tape sur le dos en te disant "Ce sera mieux la semaine prochaine…"», a-t-il déclaré au Figaro. Que vous inspire ce témoignage ?
Un certain confort est nécessaire parce qu’il permet aux joueurs de tendre vers l’excellence. Le problème pourrait apparaître si cet environnement et ce sentiment de satisfaction constant les empêchaient de prendre des initiatives sur le terrain. Il faut trouver un juste milieu entre un environnement stable et protecteur d’une part, et des comportements rebelles de l’autre. Mais je n’ai jamais constaté que la «zone de confort» pouvait affecter la performance.