C’est un sport dont on parle peu mais qui commence à gagner en visibilité. Lundi, la France a remporté la Coupe du monde de foot fauteuil, à laquelle elle participait pour la troisième fois. Déjà championne d’Europe en 2014, notre équipe nationale, composée de huit joueurs, a battu les Etats-Unis (4-2) à domicile. Décryptage avec Franck Crouillère, directeur sportif national de la discipline.
L’équipe de France de foot fauteuil électrique a été constituée sous l’égide de la Fédération française de football (FFF). Les règles de cette discipline diffèrent-elles du football pour les personnes valides ?
Nous essayons d’être le plus proche possible du foot valide, mais en conservant notre propre identité. C’est une pratique qui s’adresse à toute personne handicapée qui utilise un fauteuil électrique au quotidien, et dont le handicap ne permet pas la pratique d’un autre sport collectif. La règle de base reste la même : l’équipe qui marque le plus de buts gagne. Nous avons aussi des touches, des corners, des coups francs, des penalties, des cartons jaunes et rouges – car il est interdit de bousculer son adversaire. Cependant, nous jouons sur un terrain de basket car les fauteuils abîment trop la pelouse. Il n’est pas possible de jouer à onze car il n’y a pas assez d’espace pour nos fauteuils, donc en général il y a un gardien et trois joueurs dans chaque camp. Nous avons aussi un ballon plus gros, de 33 cm de diamètre. Et nos fauteuils sont limités à 10 km/heure. Un bon joueur doit surtout avoir l’esprit d’équipe car c’est un sport collectif. La manipulation du fauteuil compte également beaucoup, ainsi que la mentalité et le moral.
Avez-vous besoin de fauteuils spécifiques ?
Il est possible de pratiquer ce sport avec quasiment n’importe quel fauteuil électrique, à partir du moment où l’on peut y fixer un pare-chocs pour pouvoir toucher le ballon. Il sert à la fois à pousser le ballon et à protéger les joueurs. Il y a quatre ou cinq ans, on jouait dans des fauteuils de vie, ceux que l’on utilise au quotidien. Aujourd’hui, il existe un fauteuil lancé par les Américains qui est complètement adapté aux besoins de la compétition, mais il n’est pas du tout adapté à la vie quotidienne. Il coûte environ 12 000 euros.
L’achat de matériel nécessite donc de trouver des financements importants…
C’est un peu l’inconvénient de notre sport. Nous avons besoin d’un arsenal lourd et de personnes pour nous encadrer. Il est possible de chercher du côté des financements privés et des collectivités territoriales. Nous essayons aussi d’innover dans les modes de financement. Les crowdfundings fonctionnaient très bien au départ, maintenant ça marche beaucoup moins. Cependant, aujourd’hui, le plus gros souci des clubs est de trouver de l’argent pour les déplacements. Le fauteuil est quelque chose de concret, donc on arrive plus facilement à avoir des dons. Pour des déplacements cela reste plus compliqué. Cependant, nous avons la chance d’être en France. Nous avons droit à des aides de l’Etat, la Sécurité sociale rembourse bien les fauteuils de vie, mais pas ceux dédiés à la compétition. Pour la Coupe du monde, nous sommes partis du 28 juin au 13 juillet, cela nous a coûté 100 000 euros tout compris.
Comment est structuré ce sport en France ?
Nous n’avons pas de joueurs professionnels, nous sommes tous en sport amateur. La discipline a été créée en France dans les années 80. A l’époque, il y avait sept équipes. Aujourd’hui, environ 750 licenciés pratiquent le foot fauteuil en compétition, ce qui représente environ 70 équipes réparties sur le territoire national. Il y a trois divisions et des compétitions régionales. Il n’y a pas de limite d’âge – le joueur le plus jeune de l’équipe de France a tout juste 16 ans – et notre sport est mixte. Notre gardienne est d’ailleurs une fille. C’est pour cela que ce sport est attrayant, il permet de rencontrer des personnes aux univers différentes qui partagent la même passion.
Et au niveau mondial ?
Ce sport n’est pas encore développé dans tous les pays du monde. Il est vraiment bien structuré dans 18 à 20 pays, où il y a de la compétition nationale. La ligue Europe, avec la jeune Fédération internationale de powerchair football (FIPFA) dont nous faisons partie, est bien développée. La France et l’Angleterre sont des pays moteurs avec l’Irlande, le Danemark, le Portugal et l’Espagne. Le développement commence aussi en Allemagne, et de manière générale dans tous les pays dans lesquels il y a déjà une culture du football assez marquée.
Avec cette victoire, vous attendez-vous à un regain d’intérêt pour le foot fauteuil ?
Oui, l’engouement commence réellement aujourd’hui, grâce à ce titre de champions du monde. Nos joueurs se sont beaucoup investis, l’objectif était d’être champions du monde, nous sommes partis aux Etats-Unis dans cet esprit-là de compétition. Nous attendions cette victoire depuis dix ans, et nous avons réussi cette année. Les médias commencent à s’intéresser au foot fauteuil, les supporters aussi. En un mois, en nombre de visites sur notre page Facebook, nous avons eu une augmentation de 4 000%, c’est du jamais vu. Cela va participer au développement de la discipline, même s’il y a encore beaucoup de travail à faire au niveau du handicap. Cette victoire est donc une belle vitrine, car c’est une discipline qui s’adresse à un type de handicap que l’on n’a pas l’habitude de voir, à part au moment du Téléthon.