58e minute de jeu entre la Belgique et les Pays-Bas, pays hôte, dans le groupe A de l'Euro féminin de foot. Tessa Wullaert, attaquante des Diables rouges envoie un ballon en cloche du plat du pied, à trente mètres du but. Geste maladroit qui se concrétise pourtant par un ballon sous la barre et l'égalisation pour les Belges. Sur le coup, Sari van Veenendaal, gardienne Oranje montre que «Hollandais volant» ne se conjugue pas au féminin. L'erreur, une fois encore aérienne, de Laura Giuliani, la portière italienne contre l'Allemagne relance encore et toujours ce débat sur le poste de dernier rempart dans le football féminin. Les portières sont-elles nulles ? L'impression visuelle qu'elles laissent inciterait à répondre oui dès que le ballon quitte le sol. Sensation que sans cette faiblesse, le coup franc de Camille Abily ne serait certainement pas rentré dans le but suisse mercredi soir et la France aurait quitté la compétition par la petite porte alors qu'elle jouera bien en quart de finale, dimanche soir contre l'Angleterre. Sensation à tempérer pourtant, si les gardiennes étaient si mauvaises, les matchs de foot féminin se solderaient tous par des scores de baby-foot. Ce qui n'est vraiment pas le cas à l'Euro.
Problème d’appréhension de l’espace
Cette défaillance sur les balles aériennes, les experts du poste ne la contestent pas. Problème de taille ? Non, de formation surtout. C'est ce qu'explique Aurélien Plet, responsable des gardiennes à Juvisy : «Il est vrai qu'à l'heure actuelle, la lecture des ballons aériens est le gros défaut des gardiennes féminines.» Amandine Guérin, entraîneur des gardiennes à l'ASJ Soyaux-Charente, abonde dans ce sens : «On est dans un sport en pleine évolution, le poste de gardienne est en développement. Il n'y avait pas forcément de formation spécifique avant. C'est en train de se mettre en place, ce qui explique que dans certains pays il y a du retard.» De ce déficit de formation découlerait un problème mental : «Le manque de confiance est plus flagrant que chez les garçons, le temps de lecture de jeu est un peu plus long. L'hésitation à y aller plus forte. Aux entraînements, on essaye donc de renforcer la mise en situation», complète l'ancienne gardienne. Une défaillance renforcée par l'enjeu et l'exposition toujours plus grande des compétitions féminines pour Aurélien Plet : «C'est le premier Euro qui est autant diffusé, au moins pour la France. Les joueuses le savent, l'événement a un impact. L'aspect mental renforce ce défaut d'appréhension de l'espace. Sur le but que prend la gardienne hollandaise contre la Belgique, je pense réellement qu'elle a peur de heurter son poteau. Elle fait pourtant partie de ces gardiennes qui n'ont normalement pas ce genre de problème. Mais elle sait aussi qu'elle évolue à domicile, avec cette étiquette quasiment de favorite.»
Gardienne 2.0 en formation
Pour remédier à ces lacunes, l'objectif aujourd'hui est d'installer le plus vite possible les joueuses à ce poste, d'en faire une vocation, pour améliorer la formation : «A 15 ans, on voit très vite la différence entre celles qui ont 2 ou 3 ans de spécialisation dans les gants et les autres, souligne Amandine Guérin. Plus, les joueuses seront placées tôt dans le but, plus leur appréhension de l'espace sera bonne. On voit qu'aujourd'hui chaque club de D1 féminine arrive à avoir une gardienne de qualité.» En pleine mutation, le poste devrait passer une étape importante avec la nouvelle génération qui pointe le bout de son nez : «Peut-être pas au Mondial 2019 mais au prochain Euro, on verra des gardiennes formées en tout point. Elles ne seront pas l'égale des hommes, physiologiquement, elles ne peuvent pas mais en termes de technique et d'appréhension du poste, cela sera identique, assure Aurélien Plet. On voit aussi une évolution du poste en tant que premier relanceur. Elles évoluent plus haut, à la limite de la surface de réparation. La gardienne fait maintenant partie du jeu.» Mais au sol, pour l'instant.