«C'est tellement bien de voir des chevaux passer au-dessus des haies que l'on devrait essayer avec des hommes.» L'authenticité de cette phrase ? Certainement sujette à caution, mais très proche de la réflexion des années 1830 en Angleterre. A l'époque, le football n'est encore qu'un sport de balle non codifié avec un public modeste. Dans les comtés britanniques, c'est l'élégance des jockeys et les courses hippiques qui passionnent. Les steeple-chases voient s'opposer des concurrents dans les plaines de chaque village. Haies, rivières, murs en pierre encombrent les chemins de la victoire. Si le cheval peut les surmonter, pourquoi pas l'homme ?
Alors, en 1837, les Britanniques alignent quelques hommes sur une piste longue de 100 yards (91,40 mètres). Entre eux et la ligne d’arrivée, des haies en bois d’une hauteur de 1,067 mètre (taille encore utilisée pour les compétitions homme), en référence selon certaines histoires à la taille des clôtures entourant les prés où paissent les moutons. Le premier vainqueur, le duc de Beaufort, n’a de français que le nom. L’engouement est au rendez-vous. On encadre la discipline dans les universités : 120 yards (109,72 mètres) de long, 10 haies à franchir espacées de 10 yards (9,14 mètres), 15 yards (13,72 mètres) avant la première et après la dernière. Les derniers réglages, ce seront les Français qui les effectueront pour des besoins de système métrique : le mètre prenant le pas sur le yard, 30 centimètres sont rajoutés en 1888. Le 110 mètres haies, dont la finale des Mondiaux sera disputée ce lundi soir à Londres, est scellé.
Du pari d’étudiants aux règles olympiques
Créés à la fin du XVIIIe siècle et installés sur piste au début du siècle suivant, les steeple-chases équins fascinent outre-Manche. 1839 est l'année de la création du Grand National de Liverpool, course hippique la plus corsée encore aujourd'hui. Quelque vingt ans plus tard, des étudiants de la prestigieuse université d'Oxford prennent le pari de réaliser les mêmes prouesses que les jockeys, chevaux en moins. L'affrontement ressemble à un cross-country des temps moderne sur 2000 mètres. Il est en fait l'aîné du 3000 steeple, même si la piste s'apparente alors plus à un parcours du combattant. C'est trempés de la tête au pied que les coureurs sortent des rivières pour ensuite s'attaquer à des obstacles en pierre et des haies en bois, aussi lourdes que dangereuses. Comme souvent, les dérives vont s'arrêter et les règles, cadrer le sport qui figurera aux Jeux olympiques de 1900 à Paris sur une distance de 2500 et 4000 mètres avec haies et rivières pour seuls obstacles. Les JO de 1920 fixeront définitivement la distance.
A Oxford, encore et toujours, autour des gazons so perfect de la ville, on rallonge le plaisir du sprint. 120 plus 320 qui font 440 yards, avec 12 haies à franchir. Alliant vitesse, technique et endurance, il s'agit peut-être de la discipline la plus difficile à maîtriser. Les Anglais, pas forcément très fiers de leur création, s'en désintéressent et laissent aux Français et aux Américains le soin de peaufiner les règles du futur 400 mètres haies. Histoire d'avoir encore un peu de temps libre pour se rendre à l'hippodrome.