Quatre-vingt-seizièmes minutes de jeu en demi-finale retour des play-offs de Championship 2012-2013. 2-1 au tableau d’affichage. Le ballon est posé sur le point de penalty, Leicester est déjà qualifié grâce au but à l’extérieur (2-2 sur l’ensemble des deux matches). Le Français Anthony Knockaert n’a presque aucune pression. Il tire, Almunia arrête, Watford envoie un long ballon devant, centre, remise et marque. Leicester reste en deuxième division, Knockaert également. Le même jour, Brighton & Hove Albion s’incline face à Crystal Palace dans l’autre demi-finale.
Samedi prochain, le milieu tricolore retrouvera le King Power Stadium du champion d’Angleterre 2016. Maillot bleu et blanc sur les épaules, frappé d’une mouette sur le cœur : la tunique de Brighton & Hove Albion, club résident de cette ville côtière du sud de l’Angleterre, plus grande station balnéaire du Royaume. Pour son retour au plus haut niveau le week-end dernier, Brighton & Hove s’est logiquement incliné face à Manchester City, 2-0. Les "Seagulls", pensionnaires de la Football league, ancêtre de la Premier League, de 1979 à 1983 n’ont pour prétention cette saison que le maintien. Après 34 ans de galère, oscillant entre relégations au troisième niveau national, crises financières et matches à domicile disputés à plus de 100 km de la ville, Brighton n’a pas oublié ses années galères.
À la tête du club, Tony Bloom, homme d'affaires, ancien joueur de poker à succès et grand supporter du club qu'il a acheté en 2008. The "Lizard" (le lézard), comme on l'appelle sur les rives de la Manche, a stabilisé l'institution et finalisé le projet de stade ouvert en 2009 après 10 ans de batailles administratives. Sportivement, le club est d'abord passé de la 3e à la 2e division en 2011 et donc de la 2e à la 1ere l'été dernier. La réussite n'a pas fait oublier les années où l'on démontait tous les ans les tribunes du stade pour les prêter à l'Open de Golf et où les employés du stade utilisaient des sèche-cheveux pour sauver les tickets de match qui sortaient d'une machine à imprimer bien trop capricieuse. Cette saison, Brighton découvre les recettes monstrueuses de la Premier League. Le club a déboursé 18 millions d'euros pour faire signer José Izquierdo, soulier d'or 2017 avec le FC Bruges en première division belge, record du club. Mais Brighton a déjà prévenu, il ne dépensera pas sans raison, de peur peut-être de se retrouver dans les mêmes galères passées.
Rock, football et tolérance
Sur les plages et dans le centre de la ville, Brighton est singulière, marquée par la musique. Durant les sixties, la cité balnéaire servait de terrain de bataille aux rockeurs et aux mods qui débarquaient chaque week-end de la capitale. La musique est ancrée dans chaque brique du centre-ville. Une multitude de groupes et de chanteurs sont sortis de ses garages et de ses pubs à l’image des Kooks ou plus récemment The Passenger. D’autres grands noms s’y sont installés. David Gilmour, guitariste et chanteur-compositeur du très progressif groupe Pink Floyd, a établi ses quartiers en bord de mer à Hove. Le rock, l’électro et la musique en général ont répandu un esprit de tolérance et d’ouverture.
A l’AMEX Stadium, les supporters ont conservé cet esprit jovial et festif. Il fut un temps où l’on lisait même des poèmes avant la rencontre. Epoque révolue mais les fans mènent toujours des combats pour l’égalité. En 2013, l’association des supporters du club demande par exemple publiquement aux autorités de lutter contre les injures prononcées à l’encontre de la communauté homosexuelle dans les stades.
Les dirigeants participent aussi à rendre le club bienveillant. A chaque fin de match, les fûts de bière sont changés pour installer l’alcool houblonné dans la ville du club visiteur suivant. Dans les couloirs des vestiaires, les lumières sont aussi adaptées aux hôtes d’un soir. Autant d’ingrédients qui contribuent à faire de Brighton et de ses supporters, le club le plus sympathique d’Angleterre. Pour se maintenir en Premier League, il faudra quand même montrer les crocs.