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Libération
Éditorial

Neymar joue l’hymne absolu du foot

publié le 21 août 2017 à 19h56

Les deux premiers matchs de Neymar Jravec le PSG - et plus particulièrement le second, le Toulouse FC dérouillé 6-2 dimanche avec quatre buts parisiens (!) inscrits en infériorité numérique - auront ressuscité une sensation du fond des âges du football : cette époque d'avant la mondialisation, où les joueurs étrangers débarquaient ahuris d'une autre planète, jonglaient avec un morceau de sucre à la terrasse d'un café pour prouver à leur coach l'inutilité de s'entraîner («quand les autres sauront en faire autant, j'irai») ou mettaient des coups de pied aux fesses des arbitres hexagonaux comme ils pouvaient le faire sans souci dans leur championnat d'origine. A l'épreuve des terrains de Ligue 1, Neymar ne ressemble à rien de connu. Fût-ce à son double barcelonais, le plus souvent dans la distillation parcimonieuse de son talent, là où le Neymar parisien est une machine infernale, touchant le total ahurissant de 128 ballons à Guingamp et partant martyriser des défenseurs toulousains au bout d'un match déjà gagné dix fois, comme si le plaisir était son moteur indépendamment des circonstances du match. C'est son secret. Il est éventé depuis une Coupe du monde brésilienne en 2014 qui pesait des tonnes pour tous les joueurs de la Seleção, sauf pour lui : il avait fallu un coup de genou d'un joueur colombien pour qu'il n'y ait plus de Neymar et, conséquemment, plus de Brésil. Les 222 millions payés par le PSG pour l'exfiltrer de Catalogne ? Les attentes qui vont avec ? Une pression médiatique pour ainsi dire planétaire ? Une infériorité numérique contre Toulouse, couplée à un score alors chiche (2-1), commandait de se replier avec armes et bagages sur son propre but ? Des sponsors omniprésents, requérant sa présence aux quatre coins du monde alors que la saison bat son plein ? Tout se passe comme s'il s'en foutait. Sur le terrain, il joue comme s'il n'avait pas de poste, allant où son instinct le pousse et aspirant - c'est encore le plus fort dans l'histoire - ses partenaires dans une sorte d'allégresse insouciante, des collègues tapant le ballon à la sortie de bureau. A ce rythme, Neymar mettra quelques mois à installer son équipier Adrien Rabiot chez les Bleus : ses partenaires en sont encore à écarquiller les yeux plutôt qu'à profiter des brèches que le Brésilien crée en face, mais ça changera. Même certains adversaires (les deux tiers à la louche) sortent avec la banane, non pas d'en avoir pris six, mais d'avoir côtoyé le maestro. Ils raconteront ça à leurs gosses. On peut y voir une déviance, celle d'un spectacle pur déconnecté du sport et de la confrontation - les matchs sont gagnés d'avance. Ou bien l'avènement du foot business, le plus gros transfert de l'histoire débouchant sur le plus fascinant des spectacles - dit autrement, le talent se paye. Ou bien encore : un hymne absolu au jeu de football.