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Un an après les JO, rencontre avec trois sportifs français passés par Rio

Jeux olympiques de Rio 2016dossier
Alexandre Camarasa, capitaine de l’équipe de France de water-polo, Jean-Charles Valladont, argenté au tir à l’arc et Marc-Antoine Olivier, médaillé de bronze en eau libre, reviennent sur ces Jeux où la France a décroché 42 médailles olympiques.
La délégation française menée par Teddy Riner lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Rio, le 5 août 2016. (Photo Javier Soriano. AFP)
publié le 27 août 2017 à 11h28

Aux Jeux olympiques de Rio, il y a un an, la France a décroché 42 breloques, un record depuis l’après-guerre. Parmi ces médaillés, on retrouve les grands noms du sport tricolore, comme Renaud Lavillenie (médaille d’argent en saut à la perche) ou Teddy Riner (champion olympique en judo), mais aussi des athlètes plus confidentiels qui ont profité de l’événement le plus suivi au monde pour sortir de l’anonymat, écumant les plateaux télé, les cérémonies communales et multipliant les coups d’envoi fictifs de leur club de football régional. La boxe avec le couple en or Yoka / Mossely (et ses quatre autres médailles) est l’exemple même de ce qu’ont apporté les Jeux à une discipline. A la rentrée 2016, les inscriptions dans les salles de boxe se sont démultipliées.

Enfin, il y a les autres : dès la fin septembre 2016, l’embellie médiatique est retombée. Qui se souvient du titre olympique de Jérémie Azou et Pierre Houin en aviron ou du bronze au tir d’Alexis Raynaud ? L’année post-JO a marqué pour beaucoup un retour à l’anonymat parfois compliqué tandis que certains, à l’image de Jean-Charles Valladont, ont réussi à ne pas se faire oublier. Nous sommes allés à la rencontre de trois d'entre eux.

«J’ai besoin de photos pour me rappeler que j’y étais»

Le Français Alexandre Camarasa à Rio, le 14 août 2016. Photo Laszlo Balogh. Reuters

Alexandre Camarasa était le capitaine de l'équipe de France de water-polo à Rio. Une équipe qui avait séduit du monde et trouvé un espace médiatique. Les hanches et l'adducteur fraîchement opérés, il ne se souvient presque plus de Rio : «Dès que la lumière des JO s'est éteinte, j'étais dans les ténèbres de la blessure. Trois opérations en un mois et demi. Toute l'excitation, tout le bruit qu'il y a autour des jeux, d'un coup, tout s'arrête, explique le poloïste marseillais. Je me souviens, je me suis mis sur mon canapé et je me suis dit : "Est ce que j'ai réellement participé aux JO ?" J'étais presque obligé de regarder des photos pour me rappeler tout ça

Et pourtant, au Brésil, malgré une élimination rapide dès la phase de poules, ce fut merveilleux, de son propre aveu. Une première participation aux JO depuis vingt-quatre ans pour l'équipe de France, une surmédiatisation qui a transformé les Bleus «en VRP» de leur sport, lesquels ont tout fait pour accrocher le grand public en interview. Après huit mois d'absence, Alexandre Camarasa, 30 ans, a retrouvé les bassins en mars. Il raconte le tiraillement, entre la fierté d'être allé au Brésil et la déception – «J'aurais tellement aimé que l'on soit les barjots [la première équipe de handball masculin français à remporter une médaille aux Jeux en 1992, ndlr] du water-polo.»

Spleen post-JO, qu'il compare à un séjour à Disney : «Ma famille, quelques amies m'ont entouré, après je comprends, chacun a sa vie. Le capitanat ? Qu'est ce que je m'en fous.» Il poursuit : «C'est l'aboutissement d'années de sacrifices. Des années sans vie sociale, à rentrer le soir au lieu d'aller boire des coups. C'est sport/étude/dodo. Même si ça avait été ma dernière compétition et que je m'étais vraiment blessé au point de ne pas pouvoir revenir, j'aurais signé. C'était tellement magique

«Tout se résume au bon client»

Jean-Charles Valladont posant avec sa médaille d’argent au retour de Rio, le 23 août 2016 à Paris. Photo Bertrand Guay. AFP

Jean-Charles Valladont, argenté au tir à l'arc, a réussi à garder une certaine cote auprès des médias. Il dit : «Si le lendemain [de sa médaille] sur France 2 j'avais dit "oui je m'entraîne à l'INSEP depuis dix ans, tout se passe bien, c'est dur mais il faut s'entraîner tous les jours et ne rien lâcher", l'interview aurait été sympa mais, trois semaines après, on n'entendait plus parler de moi ni du tir à l'arc.» Il est franc (-comtois) et surtout, lucide. Si l'Equipe lui consacrait encore un portrait en juillet, sa réussite sportive n'expliquait pas tout. Le natif de Besançon ne s'en est pas caché, et l'a même revendiqué : il est un homme à aimer la nature, la pêche et la chasse. En bref : son côté terroir plaît. Le week-end, c'est canne à pêche en main, les pieds dans l'eau, ou au milieu des champs à entretenir les cultures ravagées par les sangliers dont Valladont s'occupe : «C'est devenu délicat dans notre environnement avec certains régimes alimentaires [véganes, végétariens…]. Après j'ai réussi à modérer mon discours. On essaye d'expliquer. Si aujourd'hui il n'y avait pas la chasse, il n'y aurait pas de culture en France parce que le sanglier a un taux de reproduction de 300%.»

JCV gère seul les contraintes médiatiques, en dépit d'un contrat d'image signé avec la fédération. Valladont s'est fait la main avec les médias : six mois à mesure de deux jours par semaine avec une journaliste qui l'a suivi avant les Jeux de Londres en 2012 et un peu de media training au contact des étoiles du sport. Des expériences qui lui ont appris «pourquoi, comment et à quel moment tu peux dire un truc». Le tout agrémenté de son vécu professionnel dans un magasin de tir à l'arc : «Je suis arrivé à m'adapter en tant que vendeur à tout type de public. Tu dois trouver le bon type de discours toujours positif, si tu veux réussir à placer tes produits.» Devenu numéro un mondial au mois de juin dernier, Jean-Charles Valladont a remporté une deuxième manche de coupe du monde. Récompense de cinq à huit heures de labeur quotidien. Mais ça, ça ne compte presque pas pour garder la cote : «Tout se résume au bon client.»

«L’eau libre, une petite famille»

Sans sa blessure au pied, Marc-Antoine Olivier aurait dû nager le 26 août prochain à Sarreguemines (Moselle), chez Aurélie Muller, native de la région. Il y a un an, les images de sa collègue d'entraînement en larmes avaient fait le tour des télés à Rio : la Française avait terminé deuxième sur 10 kilomètres nage libre mais les juges l'avaient disqualifiée, estimant que Muller avait gêné une concurrente. Le lendemain, «MAO», médaillé de bronze sur la distance, parlait de «vengeance» devant les caméras. Après les JO, Olivier a surfé sur sa médaille. A donné le coup d'envoi fictif, dans sa région, à Valenciennes pour un match de foot, puis à Orchies pour le basket. Ce n'est pas rien quand la médiatisation de son sport est l'affaire de quelques heures tous les quatre ans.

A l'échelle nationale, Marc-Antoine Olivier partage donc la tête d'affiche de sa discipline avec Aurélie Muller. Sans problème, assure-t-il : «Je suis super content qu'elle ait su rebondir comme ça. Niveau mental, ce n'est pas évident de travailler quatre ans et même huit pour elle. Alors arriver aux JO et se faire enlever une médaille… Elle est revenue, s'est mise des défis, donc être associé à elle ça ne me dérange pas du tout. L'eau libre, c'est comme une petite famille.» Son regret : «Les malheurs d'Aurélie Muller ont fait énormément parler de notre discipline. Ça aurait été mieux que l'on soit mis en avant pour nos deux médailles mais malheureusement ce sont les aléas de la vie.»

Le natif de Denain, dans le Nord, a bon espoir que le public finisse par reconnaître sa discipline à sa juste valeur. Il compte, entre autres, sur le contexte : «Les gens sont de plus en plus fans des épreuves style Iron Man, le fait de nager sur des longues distances, et la couverture médiatique est plus grande. Physiquement et mentalement, les distances sont épuisantes, donc c'est sûr qu'il faut jouer dessus.»