Le génie hexagonal s’exprimait dans l’agro-alimentaire, la mode ou l’aéronautique, ses plus beaux fleurons à l’export. Il s’exerce désormais à travers un savoir-faire très particulier, développé au cœur même du sport-roi qu’est le foot : la grève de l’entraînement. Pour casser un contrat et forcer son employeur à autoriser le transfert du gréviste vers le club de ses rêves. En août 2013, le milieu international français Yohan Cabaye avait ainsi plombé son équipe de Newcastle, forçant son transfert au Paris-SG six mois plus tard et sidérant tout le foot anglais, y voyant un mélange de je-m’en-foutisme et d’individualisme.
Même démonstration de l'attaquant tricolore Ousmane Dembélé, gréviste cet été au Borussia Dortmund pour obtenir son bon de sortie pour le FC Barcelone, et qui est revenu lundi sur cet épisode depuis la Catalogne : «C'est entièrement de ma faute car je l'ai voulu. Si je n'avais pas agi comme ça, ça aurait été difficile de rejoindre le Barça. Et c'était mon rêve de jouer dans ce club.» Les Allemands n'en sont pas revenus, pas plus son coéquipier à Dortmund Sokrátis Papastathópoulos («Ousmane est un bon gars, mais il doit comprendre qu'aucun joueur n'est plus grand que l'équipe») que le Bayern Munich, concurrent le plus féroce de Dormund sur la scène domestique : tout cet individualisme, toute cette anarchie… En France, c'est le contraire : par réflexe corporatiste, le gréviste du foot peut compter sur le soutien le plus souvent tacite de ses coéquipiers. Ce tropisme dit une façon de voir leur sport : les clubs français sont infiniment moins sacralisés par les joueurs que leurs équivalents anglais ou italiens, contrairement à leurs éducateurs ou au coach qui les aura lancés dans le monde professionnel. Il correspond aussi à une reprise en main - certes à la hussarde, au mépris du contrat signé - de sa force de travail dans un monde où le joueur est chosifié, une contrepartie physique aux sommes d'argent que s'échangent les clubs lors des transferts. Après tout, ce sont ses jambes.